Je convie Eric et Camille à monter jusqu'au toit-terrasse histoire
d'admirer la vue panoramique sur la baie de Cannes. Je sais que les ouvriers n'ont pas
fini de monter le garde-corps provisoire et en ce jour férié de la Toussaint le
chantier est désert. Je m'avance tout près du vide, le vent souffle en rafales
Eric a peur et reste en arrière. Je lui adresse alors mon sourire le plus
aguicheur pour narguer Camille et par jeu mets en doute le courage de ce petit
con.
-
Camille, tu n'es pas chiche de
t'approcher !
Les
hommes sont vraiment bêtes, ils veulent toujours montrer qu'ils pissent plus
loin que les autres, il suffit d'agiter la muleta. Gay mais pas marrant, jaloux
et blessé dans son orgueil de mâle, jamais en retard d'une vantardise Camille
veut manifester sa vaillance en se tenant tout près du bord comme moi. Il prend
la main d'Eric terrorisé, le tire vers lui. Je recule de trois pas. Levant
leurs deux bras, imitant De Caprio dans Titanic il crie " Nous sommes les
maîtres du monde " puis il serre son grand homme dans ses bras et tente de
l'embrasser sur la bouche, Eric le repousse en riant, quelques passants dans la
rue lèvent la tête.
Je
mets mes écouteurs dans mes oreilles, cinquième symphonie de Beethoven en
sourdine je suggère d'un ton admiratif :
-
Vous êtes trop beaux vous deux, vous devriez faire un selfie.
Il fouille dans sa poche pour sortir son
portable. Finalement c'est plus facile que je ne le pensais, je les pousse
pendant qu'ils prennent maladroitement la pose, comme j'avais poussé Loïc mon
frère violeur en 1989, mais cette fois je ne tombe pas. Je monte le son de mes
écouteurs, cette cinquième symphonie est totalement à mon image, violente,
intense, sauvage. En les regardant chuter et s'écraser lourdement au sol je
pense aux vers de Baudelaire : ses ailes
de géant l'empêchent de marcher, malheureusement pour eux ils n'ont pas le
loisir de les déployer, les deux tourtereaux
rejoignent brutalement la cour encombrée de ferraille cinq étages plus
bas. Leurs corps mutilés ne sont pas beaux à voir. …
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire