jeudi 13 septembre 2018

Les tribulations d'un Lyonnais en Provence. Histoire n°20

            
Les bons comptes font les bons époux ( lisez toutes les histoires depuis la n°1 pour vraiment apprécier celle-ci )


 


 Un jour de l'an dernier, rentrant de randonnée sans méfiance je fus accueilli froidement  par ma femme qui avait la tête des grands jours, le visage caractéristique d'une épouse s'apprêtant  à révéler à un mari vraiment trop nul qu'elle projette de partir avec son meilleur ami ou, pire dans l'échelle de ses valeurs, qu'il a utilisé le torchon des mains pour essuyer la vaisselle.
  Au sol gisaient des ciseaux et les morceaux découpés de ma chemise noire effrangée avec un scorpion blanc.

 

Je fis un rapide examen de conscience:

- Je ne lorgnais pas plus que d'habitude sur les jolies filles de passage dans notre beau sud.

- J'avais fait les courses de la semaine sans oublier "la couleur" pour ses cheveux.

- Je l'avais bien embrassée avant de partir.

- J'avais quitté mes chaussures de marche avant d'entrer.

- Aucun sms compromettant n'occupait la boite de réception de mon Samsung qui n'avait de toutes façons pas quitté ma poche.

- J'avais ramené le pain sans succomber à la tentation de manger le quignon, gourmandise qui lui était réservée depuis toujours.

 Je ne voyais donc pas ce qui justifiait une telle hostilité muette et soudain la lumière se fit dans mon esprit :

Mon ordinateur était allumé sur mon bureau et ouvert à la dernière page de ce recueil d'histoires courtes qui fait votre bonheur.

 

L'animosité ne resta pas longtemps sans voix.

- Viens un peu là, parle-moi de cette Pocahontas, qu'est ce que c'est que cette histoire ( ce qui faisait beaucoup de "que" dans une seule phrase).

Je plaidai non coupable, s'agissant d'un roman je jurai ne pas avoir poussé le mari dans le ravin.

- Ne cherche pas à noyer le poisson, je discute de choses sérieuses,(l'infidélité supposée étant manifestement bien plus grave que le crime) qui est cette salope de belle métisse blottit contre toi?

- Un personnage fictif.

- Ne me prends pas pour une idiote, il y a longtemps que je te soupçonne d'avoir une maîtresse. Et la fille de la chapelle, ne me dis pas que c'est une invention, j'en ai marre d'être trompée, salaud, dommage qu'elle t'ait loupé ! Je vais t'en raconter des histoires de princesse moi !

Je tentai de la rassurer tout en essuyant les larmes rageuses coulant de ses yeux. Je risquai d'abord la mauvaise foi :

- Si tu n'as pas confiance tu n'as qu'à venir en randonnée avec moi.

La pauvrette avait bien essayé au début mais renoncé rapidement, je marchais trop vite et trop longtemps.

 

Face à son indignation persistante j'hasardai une explication, plus convaincante me sembla-t-il :

- N'oublie pas mon état d' écrivain, ce sont des histoires imaginaires, la femme de Victor Hugo ne le traitait pas de salaud lorsqu'il écrivait Les Misérables.

Excuse bancale et exemple mal choisi, le Victor en question écrivait d'une main et caressait Juliette Drouet de l'autre, c'est de là que provient peut-être l'expression" taquiner la  muse ". Il lui faisait également la cuisine, un jour où elle n'avait pas honoré une invitation à déjeuner il lui écrivit :

Si vous étiez venue ô belle que j'admire
Je vous aurais offert un repas sans rival
J'aurais tué Pégase et je l'aurais fait cuire
Afin de vous servir des ailes de cheval.
 
Abandonnons le cheval, revenons à nos moutons et à leur bergère qui ne les avaient pas rentrés bien qu'il  pleuve de grosses gouttes d'incompréhension. Une sortie de gueule propre à satisfaire les deux parties fut négociée sur une base raisonnable, l'accord fut unilatéral elle décida :

- Tu vas m'effacer toutes ces histoires et vite !

Je m'exécutai hypocritement sur le champ, ayant eu soin depuis plusieurs jours de sauvegarder mes textes sur une clé USB, grâce à cette précaution ce livre put tout de même exister.
Il eut été dommage que j'en fusse le seul lecteur, pour que mon plaisir soit plus grand il faut que je le partage.( Attention n'essayez pas de faire cela avec vos revenus, le coup du partage qui accroit la valeur des choses ne marche qu'avec la joie et le plaisir, quant à la multiplication des pains, pratiquée par une élite, elle n'est pas à la portée du premier lecteur venu.)

 

Je pris finalement le parti d'être flatté par ses accusations, quand on est jeune la jalousie de l'autre nous excède, plus âgé on s'en trouve ravi puisqu'elle nous croit encore capable de séduire.
Je tentai de la prendre dans mes bras, ses yeux projetaient des éclairs, elle me lança:

- Pour ça maintenant c'est deux cents euros et pour les perversités ce sera cinq cents euros.

Malheur, elle avait tout lu et retenu ce qui lui paraissait essentiel ! Je crois que mes vœux vont être exaucés au-delà de mes espérances, je vais désormais être aimé pour mon argent mais finalement cette option me rassure, c'est tout de même plus enviable qu'être atteint d'une maladie  dégénérative se terminant par un " suicide " comme le fut le pauvre Christopher.

 Après quelques mois elle s'était fait une jolie cagnotte…

 Je n'aurais pas dû me moquer  du copain dont la femme se trouva flattée d'être prise pour une prostituée de luxe, elles en rêvent toutes je crois.

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Cette histoire est extraite du livre :





 Pour un exemplaire dédicacé, un contact ou accéder aux liens marchands :















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