mardi 14 juin 2016

Le blues de l'écrivain.

Voilà c'est arrivé, notre second livre est sorti et je crois bien que je fais un baby-blues.

Je sais que Cécile ma coauteure va se moquer un peu de moi.

Nous avons vécu une année complètement folle, chaque soir nous avions des rendez-vous mystérieux 
- avec le vieil Henri, nonagénaire un peu déjanté détenteur d'un secret redoutable, retraité paisible, drôle, intelligent, cultivé, subitement projeté dans une histoire qui le dépasse et un monde qu'il ne comprend plus, bouleversé par une rencontre inattendue puis révolté et prêt à se battre pour aimer et être aimé une dernière fois.
- avec Eden, jeune femme sublime et monstrueuse, capable de trouver des solutions simples à des problèmes compliqués.
- avec Michel -Ange à qui j'aurais aimé ressembler si je n'étais pas si désespérément raisonnable
- avec tous ces gens qui ont eu le malheur de croiser la route de ce couple si humain et si diabolique.
Soudainement je suis seul, ces personnages que nous avons créés en nous prenant pour Dieu ont exercé, enfin ceux qui ont survécu, leur droit de libre arbitre et sont partis loin de nous, tels des créatures ingrates reniant leurs créateurs.
Alors je relis amèrement chaque jour des bribes de cette histoire, comme les parents ouvrent quelquefois la porte de la chambre vide de leur enfant, espérant irraisonnablement faire resurgir les jours heureux où il était là.

Et ne pensez pas que vous puissiez discerner lequel de nous deux a écrit telle ou telle partie du texte, dans une vinaigrette bien tournée, l'huile, le vinaigre, le sel et le poivre se mélangent et nul ne peut prétendre que le goût de la sauce soit dû à un ingrédient plutôt qu'à un autre.

Subitement j'ai une angoisse, je n'ai pas envie que ce livre soit caressé par des mains que je ne connais pas, j'ai l'impression curieuse que l'on va me voler une partie de moi-même, il faut pourtant que j'accepte qu'il vive maintenant sa vie, il ne nous appartient plus.
Certains lecteurs, les plus nombreux j'espère , nous diront " j'ai beaucoup aimé merci de nous avoir concocté cette friandise", d'autres suggèreront poliment " c'est spécial" d'autres enfin n'aimeront tout simplement pas notre univers et je les haïrai comme un père qui ne supporte pas que l'on ne trouve pas son enfant le plus beau du monde.

Allez il me faut tourner la page et accepter que ce livre soit maintenant à vous.
Vous avez aimé notre livre premier, vous adorerez notre livre second et nous vous promettons que notre livre troisième sera inoubliable et vous emportera dans un monde dantesque où il sera difficile de démêler le vrai du faux.
Mais comme dirait le vieil Henri : celui qui ne dit que des vérités n'est pas digne de raconter des histoires.
Serge Boudoux.

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