La recluse du vieil Antibes.
Paul, un vieil ami à moi presqu'un
frère, habite un quartier chic d'Antibes depuis une vingtaine d'années.
Il est
cité et présenté par celles et ceux qui le connaissent comme le spécimen du mari modèle.
Marié depuis
45 ans avec Thérèse pour laquelle je n'ai pas une estime incommensurable chaque
matin il fait les courses, ramène une rose en gage d'amour immortel à son
épouse, passe l'aspirateur, de plus il jouit depuis toujours d'une réputation
de fidélité et de vertu absolues.
Aux yeux de tous par rapport à lui Saint Augustin ou Jean-Paul Deux étaient de grands débauchés.
Aux yeux de tous par rapport à lui Saint Augustin ou Jean-Paul Deux étaient de grands débauchés.
Cette quasi sainteté
n'est pas sans générer des comparaisons pas forcément flatteuses pour ceux qui
pâtissent d'une notoriété plus douteuse, suivez mon regard dans le miroir.
Un jour, il m'annonça d'un ton de
commandement inhabituel:
- Je t'emmène " faire un tour
" dans le vieil Antibes.
Après avoir longé les remparts nous
sommes arrivés sur la jolie placette du Safranier, et avons descendu les petites
ruelles étroites et moyenâgeuses. Avec leur
pavage de pierre, leurs murs tapissés de bougainvilliers colorés de
plantes grimpantes et odorantes, les ombres, le silence, on a vraiment
l'impression d'être projeté dans un autre monde plusieurs siècles en arrière.
J'adore !
La vérité me force toutefois à
reconnaître qu'il y a bien quelques crottes de chiens au sol et une odeur
d'urine persistante dans l'air mais j'ai décidé de ne voir que le bon côté des
choses.
Dans un discret renfoncement Il a
sonné à une vieille porte en bois cloutée percée d'un petit judas grillagé,
après un léger bourdonnement et un bruit sec la porte s'est entrouverte, sans
doute actionnée par un mécanisme invisible.
Un petit chemin avec des pas japonais
menait à une maisonnette basse. Sous un arbre de Jérusalem planté devant la
terrasse une femme était assise dans un fauteuil en osier, je
l'appellerai Emmanuelle pour la circonstance.
Il était difficile de lui donner un âge, peut-être cinquante ou cinquante cinq ans, les femmes d'aujourd'hui ne vieillissent plus. Son physique ne m'a pas laissé une impression inoubliable mais il se dégageait d'elle, je ne sais pourquoi je l'ai ressenti ainsi, une grande tendresse.
Il était difficile de lui donner un âge, peut-être cinquante ou cinquante cinq ans, les femmes d'aujourd'hui ne vieillissent plus. Son physique ne m'a pas laissé une impression inoubliable mais il se dégageait d'elle, je ne sais pourquoi je l'ai ressenti ainsi, une grande tendresse.
Mon ami l'a embrassée sur la bouche
en disant :
- Bonjour mon cœur.
Il s'est tourné vers moi, très
cérémonieux :
- Emmanuelle, je te présente mon ami
Serge l'écrivain dont je t'ai déjà parlé, Serge voici Emmanuelle, l'amour de ma
vie.
Un silence embarrassé s'installa, je
ne comprenais pas ce qui se passait, j'ai pourtant l'habitude des situations
ambigües mais imaginez que vous découvriez que le Pape a une maîtresse.
Dans
l'histoire, de nombreux souverains pontifes en eurent plusieurs, mais c'était
il y a longtemps on en a perdu l'habitude et maintenant souvent les religieux préfèrent les jeunes garçons.
Les femmes sont moins harcelées par les curés de nos jours, peut-être un Evêque ou un Cardinal de temps à autre taquine -t-il encore un peu quelque bourgeoise, mais cela reste très marginal…
Les femmes sont moins harcelées par les curés de nos jours, peut-être un Evêque ou un Cardinal de temps à autre taquine -t-il encore un peu quelque bourgeoise, mais cela reste très marginal…
Emmanuelle me regardait, des larmes
coulaient lentement de ses yeux.
D'une petite voix douce elle a prononcé ces
mots qui sont restés gravés dans mon esprit :
- Je suis trop heureuse, depuis toutes ces années c'est la première fois
que je sors de l'ombre.
Mon ami agacé
a demandé sèchement:
- Pourquoi pleures-tu? C'est bien ce
que tu voulais, non ? tu n'es jamais contente !
Gêné, je suis resté muet. Vous savez
que je ne suis pas le dernier à me moquer de mes contemporains et de moi-même,
mais là je ne savais que penser.
J'avais envie de la serrer dans mes bras pour
la consoler du mal que cet homme lui faisait, manifestement sans s'en rendre
compte.
Nous avons bu un café corsé
accompagné de navettes provençales, biscuits oblongs à l'anis, parlé de tout et
de rien, Emmanuelle jetait de petits regards inquiets vers mon ami.
Lorsque nous sommes repartis Paul m'a
expliqué:
- " Emmanuelle et moi sommes amants
depuis une dizaine d'années, j'ai toujours fait très attention à ce que
personne ne se doute de cette liaison. Depuis le premier jour j'ai été clair
avec elle, elle savait que j'étais marié et que je ne quitterai jamais Thérèse,
cela lui ferait trop de peine.
Je la vois chaque jour, je lui apporte une rose, j'ai organisé ma vie en conséquence.
Je la vois chaque jour, je lui apporte une rose, j'ai organisé ma vie en conséquence.
Tu es le seul à la connaître, elle avait envie d'exister un tout petit peu
aux yeux du monde, alors comme je n'ai confiance qu'en toi je te l'ai
présentée, ça va la calmer pour quelque
temps, tu sais comment sont les femmes."
Il a réfléchi puis prononcé cette
phrase dévastatrice:
- En fait, passés les premiers mois
de grande passion une maîtresse pose plus de problèmes qu'elle n'en résout,
aussi maintenant je me sers de l'une pour supporter l'autre, et vice-versa.
Je ne lui ai posé aucune question et
fait aucun commentaire, je ressentais une grande culpabilité, toute
l'hypocrisie, la lâcheté et l'égoïsme des hommes m'explosaient au visage. Cette
femme vivait ainsi ignorée de tous,
recluse volontaire, combien de Noëls solitaires, de vacances désespérantes,
d'attentes angoissées d'un appel qui n'arrive pas, d'anniversaires sans joie
a-t-elle supportés ?
Ne vous trompez pas, je ne voudrais
pas donner de leçon à qui que ce soit mais croyez- le ou non, j'ai espacé mes
rencontres avec Paul, je l'aime moins parce que je m'aime moins. Pourquoi ai-je
éprouvé une telle humiliation ? Il n'y avait aucune misère, s'il y en avait une
elle n'aurait pas dépendu de moi, et Paul semblait se satisfaire de cette
situation.
C'est sûrement la faute à Saint-Exupéry, ne
manquant par ailleurs pas une occasion de faire dire des conneries à son sale
gosse de petit prince insupportable qui m'a toujours gonflé, il pontifiait :
- être homme c'est sentir la honte en face d'une misère qui ne semblait
pas dépendre de soi.
C'est sans doute ça, je suis un homme donc je sens bien la
honte.
Je pense souvent à Emmanuelle, à tous ceux et
celles dont nous piétinons la vie, nous braves gens sûrs de notre bonne foi et
en paix avec notre conscience assurant que nous n'avons rien à nous reprocher .
Quand revient le temps de l'automne
je pense à tout ce temps perdu
je n'ai fait de mal à personne
je n'ai pas fait de bien non plus
et j'ai ...le cœur gros.
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Et je vais me faire encore des
copains:
- Mesdames méfiez- vous des maris trop parfaits! En particulier ceux qui vous offrent des roses sans raison…
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Cette histoire est extraite du livre :
Pour un exemplaire dédicacé, un contact ou accéder aux liens marchands :
site web - http://serge.boudoux.fr
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