vendredi 23 août 2019

Que sont nos insectes devenus ?








 L’automne silencieux



 Pour me réconcilier avec Prévert je vais cette fois le citer sans moquerie ou presque, vous ne 
pourrez plus dire que je ne fais aucun effort :

Les feuilles mortes se ramassent à la pelle, les emmerdes (je suis incorrigible) les souvenirs et les regrets aussi !

Par contre si vous insistez je veux bien ironiser un peu sur Proust qui croyait être le seul à être ému par l’odeur idéalisée d’une madeleine. Images, odeurs et sons nous reviennent souvent du temps lointain de notre enfance et chacun n’en fait pas toute une histoire.

 Mes jeunes années sont très présentes dans mon esprit.
 Je me revois encore sur le chemin de la maternelle, bouche bée sous les fils électriques chargés de grappes d’hirondelles ayant déserté les nids de boue séchée construits sous nos toitures et attendant, dans un gazouillis assourdissant, l’appel secret au départ vers la lointaine Afrique.

En ce temps-là existaient des années à Hannetons. Tous les quatre ans l’espace aérien se remplissait de nuées de ces petits coléoptères dont les millions d’élytres vrombissaient à nos oreilles.
Des milliers de moineaux s’abattaient sur les platanes de la place du village, couvraient les voitures de leurs excréments et piaillaient interminablement, couvrant la voix des pipelettes du coin qui avaient trouvé, pour une fois, plus bavards qu’elles.

Plus tard, en piochant la terre de mon jardin une amitié spontanée se noua avec un merle se tenant toutefois prudemment à deux mètres de moi : je remuais la terre, l’oiseau sautillait jusqu’à une grosse larve juteuse, la saisissait avec son joli bec jaune avant de l’avaler d’un geste gracieux.
Ma tondeuse dérangeait des myriades de sauterelles, papillons colorés, coccinelles, abeilles et autres insectes qui partageaient généreusement la planète avec moi.
Les vieux murs en pierres étaient parcourus sans fin par de petits lézards gris qui n’hésitaient pas à abandonner leur queue entre mes doigts maladroits essayant de les attraper.
Dès la nuit tombée les stridulations des grillons remplissaient l’atmosphère, les vers luisants s’allumaient tels des étoiles tombées à terre.
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Nous ne savons pas ce qui s’est passé ou plutôt nous le savons trop.
 La catastrophe s’est abattue sur la planète sans que personne n’ait eu envie d’intervenir, pourtant déjà en 1962 Rachel Carson, biologiste et écologiste américaine avait alerté le monde.
Dans son livre le printemps silencieux elle nous prévenait : si nous ne changeons pas notre mode de vie, dans quarante ans il n’y aura plus d’insectes, donc plus de lézards, d’oiseaux, nos printemps seront désespérément vides et la planète blessée se vengera.
La prophétie s’est réalisée.

Chaque jour mes randonnées en forêt me racontent la même histoire triste et désespérante : seul le vent bruisse dans les arbres, aucun chant d’oiseau ne m’accompagne.
  Lorsque j’évoque : grappes et nids d’hirondelles, nuées de hannetons, papillons, sauterelles, coccinelles, sautillement du merle à bec jaune, queues de lézards, grillons, lucioles et les mille bruits du monde animal avec mes petits-enfants, ils me regardent incrédules, me soupçonnant de sénilité.
Tous ces êtres qu’ils n’ont jamais vus ni entendus leur semblent sortir d’un songe ou de Jurassic Park, aussi virtuels qu’un troupeau de Tricératops poursuivi par quelque Tyrannosaure Rex.

Pourtant les sociétés commercialisant les tonnes de liquide chargé de détruire les mauvaises herbes affirmaient avoir pris toutes les précautions.
Elles nous ont bien eu, leurs précautions furent uniquement oratoires, elles nommèrent cette saloperie : produit phytosanitaire, histoire de noyer le poison !
Phytosanitaire : relatif aux soins à donner aux végétaux, humour noir et mortel.
Les herbicides et pesticides affublés de ce doux mais trompeur adjectif tuèrent tout ce qui bougeait.
Les insectes ont disparu, les oiseaux et les lézards sont morts de faim, toute la chaîne alimentaire a suivi.
Comme toujours les plus costauds survécurent : guêpes, frelons asiatiques, moustiques ont proliféré et empoisonnent notre existence.

Le malheur est dans le pré et la Terre blessée se venge. Elle va se débarrasser de nous comme on se débarrasse des parasites qui nous pourrissent la vie.
 En fait elle n’aura rien à faire nous allons nous charger nous-même de notre éradication au nom de la sacro-sainte croissance économique : 
- Nos usines, nos voitures, nos avions envoient des milliards de tonnes de CO2 dans l’air qui ont entraîné une augmentation de la température moyenne de 0,85 degré et déjà nos étés sont devenus meurtriers.
- Les océans offrent dorénavant aux populations affamées des poissons d’un nouveau genre : un peu de chair, beaucoup de plastique et mercure, bon appétit.
- Dix années et plusieurs milliards de tonnes de gaz à effet de serre plus tard, deux degrés supplémentaires emballeront la machine qui libérera d’autres gaz beaucoup plus dangereux et bingo les parasites humains seront morts. Dans quelques millénaires qui se souviendra de nous ?
La Terre, en quarante millions de siècles d’existence a vu passé sur sa surface bien d’autres locataires s’en croyant propriétaires, ils ont disparu, ne laissant que quelques os.

Nous n’avons pas connu la planète des Singes. Grâce ou à cause du virtuel nous vivons désormais sur la planète des Songes, saurons-nous imaginer et mettre en œuvre la planète des Sages avant qu’il ne soit trop tard ?
 Sinon une autre espèce moins insensée que la nôtre, dotée également de conscience et d’intelligence peuplera un jour cette terre miraculeuse porteuse de vie que nous avons tant maltraitée, souhaitons-lui d’être plus raisonnable que nous.

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 Maintenant excusez-moi je suis obligé de vous abandonner pour aller chercher mon pain.               Oui, j’y vais tous les jours avec mon 4 x 4 diesel. 

La boulangerie ? à 400 m, pourquoi ?


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Cette histoire est extraite du livre vendu sur Amazon, Fnac, Cultura etc...


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site web     http://serge.boudoux.fr 



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