Histoire vraie.
Lyon, juin 1999.
Jean Marc.
Madame Ginette hochait la tête, manifestement
soucieuse à la vue des cartes retournées : numéros 15, 12, 22, le Diable, le
Pendu et le Mat.
Il faut reconnaître que le résultat de ce second
tirage faisant suite au précédent au cours duquel beaucoup de cartes néfastes
étaient sorties démontrait que la situation était préoccupante.
- Il n'y a plus aucun doute, vous êtes victime d'un
envoûtement, me dit-elle.
J'en étais sûr, il y avait trop longtemps que cela
durait.
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L'armée m'avait viré, stoppant net ma carrière de
maître-chien, aucune femme ne voulait rester avec moi, je ne gardais aucun
emploi pourtant mes potes buvaient autant que moi et conservaient le leur.
Bon je vous accorde que la tendresse n'est pas
particulièrement mon point fort, mais une baffe de temps à autre ne peut pas
expliquer que mes copines me quittent régulièrement après quelques semaines de
vie commune et je me suis toujours bien tenu à mon travail de chauffeur de cars
scolaires. Jamais un accident ni le plus petit accrochage à déplorer, même
quand la bière et le cannabis obscurcissaient un peu mon esprit. Les enfants se
tenaient à carreaux dans mon bus, je sais me faire respecter.
J'ai commencé à me douter de quelque chose lorsque mon dernier employeur, pourtant brave type,
m'a licencié en me conseillant " d'aller
voir quelqu'un" pour avoir
donné un coup de boule à un ado mal poli. Les parents s'étaient plaints, on se
demande comment les gens élèvent leurs gosses, si un jour j'en ai un il aura
intérêt à marcher droit !
Aller voir
quelqu'un ? Ne comprenant pas ce
qu'il voulait dire j'ai sollicité l'avis de ma nièce qui interroge chaque matin
son jeu de tarots avant de démarrer sa journée.
Gravement elle a réfléchi et m'a donné l'adresse de
Ginette, spécialiste en voyance, désenvoûtement et retour d'affection, elle
habite un petit appartement au rez de chaussée d'un HLM de la banlieue de l'est
lyonnais.
A la première consultation elle m'a vendu un gros
lézard empaillé, 150 €, en me conseillant de l'installer dans la boîte à gants
de ma voiture, tête dirigée vers le volant, d'après elle les mauvaises ondes
seraient ainsi neutralisées.
Mon neveu qui m'avait emprunté un jour la voiture
frôla la crise cardiaque en ouvrant ma boîte à gants. Découvrant ce monstre
prêt à lui sauter dessus, il l'a jeté aux ordures.
De toutes façons cela n'avait pas suffi, ma dernière
conquête m'a quitté après deux semaines de tension maximale, elle est partie à
temps car après trois ou quatre bières et quelques chichons j'avais envie de la
tuer !
C'est quand
même révélateur que quelqu'un m'a
fait quelque chose, non ?
Au second rendez-vous
Ginette sembla soucieuse à la vue des
cartes retournées : numéros 15 12, 22, le Diable, le Pendu et le Mat.
Le résultat de ce second tirage démontrait que la
situation était préoccupante.
- Il n'y a plus aucun doute, vous êtes victime d'un
envoûtement, me dit-elle.
Elle insista pour visiter mon appartement, seule, et
découvrit derrière la cuvette du w c une petite boîte en carton contenant un
crapaud desséché entourée de papiers revêtus de signes mystérieux, preuve supplémentaire
d'après elle de la malédiction pesant sur moi. Le rituel de purification de mon
habitation nécessita un versement supplémentaire de 150 €, les esprits
épurateurs ne travaillant pas gratuitement il faut les encenser sans mégoter.
A la troisième consultation je retournai plusieurs
autres cartes apparemment funestes et la conclusion fut sans appel :
- L'envoûtement provient d'une femme brune qui vous en
veut, son nom comporte ou commence par la lettre L.
J'ai réfléchi et passé en revue la dizaine de
compagnes ayant partagé mon existence plus ou moins longtemps. Une seule
correspondait à la description de Ginette, une certaine Laurence, infirmière
libérale que j'avais un peu cognée après deux mois de cohabitation. Punition
bien méritée, elle avait refusé de me servir mon apéro devant mes copains. La
honte pour moi !
Vous auriez vu
sa tête après la correction hé hé ! ça valait bien les quinze jours de prison
avec sursis dont j'avais écopé.
Je ne l'avais jamais revue. Cela faisait bien cinq ans
que nous nous étions perdus de vue.
Grâce aux réseaux sociaux je l'ai localisée sans
difficultés, une infirmière libérale doit un peu communiquer pour son business,
elle ne se cache pas. Elle habite à une vingtaine de kilomètres de mon
domicile. Après quelques repérages discrets j'ai constaté qu'elle était
maintenant maman d'une jolie petite fille.
Elle aurait pu se tenir tranquille, mais non, je ne
sais pas pourquoi elle me poursuivait de sa haine ? Pourquoi m'avoir envoûté ?
Les femmes sont incompréhensibles.
En tout cas, je ne vais pas me laisser faire.
- Le feu est un remède souverain contre les sorcières
et les envoûtements, a dit Ginette.
Elle m'a proposé d'acheter une poupée de chiffons (150
€) qui représenterait l’Envoûteuse. Dotée d'un sortilège mystérieux (100 €) et
jetée sur un bûcher plus ou moins Vaudou constitué d’herbes magiques (100 €) le
problème serait réglé.
Tout ceci me parut compliqué et bien trop coûteux.
Je tournai le problème dans ma tête. Après quelques
bières et deux chichons la solution m'est apparue, évidente et économique…
Un matin, après
un certain nombre de petits verres de tequila et un peu de shit pour me donner
du cœur au ventre j'ai aspergé Laurence avec cinq litres d'essence (7 €) et
craqué une allumette.
Un voisin l'a
éteinte avec l'extincteur de l'immeuble et en l'entourant d'une couverture.
Tenez-vous bien, cela n'a pas suffi, la malédiction
continuait à me poursuivre, le voisin avait noté l'immatriculation de ma
voiture, la police m'a retrouvé et arrêté dans la soirée.
Si même le feu
n'agit plus sur les envoûteuses où va-t-on ?
Mon compagnon de cellule prétend que Ginette me
manipule et me prend pour un con.
- L'infirmière n'y est pour rien, bois moins et arrête
de fumer la moquette tu n'auras pas tous ces problèmes, à 35 ans tu devrais
quand même réfléchir un peu, m'a-t-il dit.
Il n'a rien
compris, il est très bête, s'il était intelligent il ne serait pas en prison
pour une escroquerie minable !
Moi c'est différent c'était un cas de légitime défense.
Dès ma sortie
de préventive qui ne saurait tarder car mon avocat commis d'office a détecté
une erreur de procédure lors de ma garde à vue, puisque le feu est inefficace
j'envisage de noyer Laurence pour que ça s'arrête.
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