Geneviève.
Je n'avais
jamais eu de chances dans ma vie.
Il y a quelques
années mon mari bien-aimé disparaissait subitement sans laisser d'adresse me
laissant seule pour élever notre enfant.
Comme on pouvait s'en douter la justice ne voulut pas
"diligenter" de recherches, n'étant ni dépressif ni menacé sa
disparition ne fut pas jugé préoccupante au sens légal du terme.
- Une personne majeure est libre d’aller et venir
comme bon lui semble sans en informer nécessairement ses proches. Si cela peut
être discuté moralement, juridiquement la liberté d’aller et de venir est
fondamentale, m'a expliqué sentencieusement le policier.
Depuis, notre
vie est dure. Heureusement, habitant une vieille maison léguée par mes parents
dans un hameau d'une petite ville de l'Isère, en lisière d'un bois, je n'ai pas
de loyer à payer. Des petits boulots et des ménages nous permettent de survivre
en comptant chaque euro.
Un matin la chance m'a enfin souri.
La femme qui était au bout du fil semblait très sympathique.
Avec un petit accent africain ou asiatique elle m'apprit que mon numéro de
téléphone avait été tiré au hasard pour fêter l'ouverture d'un nouveau grand
magasin, rue Lafayette à Paris.
Comme trois
autres familles j'avais gagné 3 000 € de cadeaux qui me seraient apportés à
domicile par un livreur juste avant les fêtes de fin d'année.
J'étais très
réticente, prête à couper la communication mais elle m'a assuré qu'il n'y
aurait rien à payer, nul besoin de souscrire un abonnement ni laisser de numéro
de carte de crédit," tout est gratuit" a-t-elle martelé, presque
fâchée ! J'entendais d'ailleurs en arrière-plan d'autres téléphonistes énoncer
leurs gains aux autres veinards.
Elle me pria d'écrire sur un papier la référence de mon dossier ainsi que le numéro de téléphone du service expédition à rappeler et me fit répéter ces informations pour être certaine que je ne me sois pas trompée en les notant.
Elle me pria d'écrire sur un papier la référence de mon dossier ainsi que le numéro de téléphone du service expédition à rappeler et me fit répéter ces informations pour être certaine que je ne me sois pas trompée en les notant.
Pour moi qui
comptais centime après centime pour joindre les deux bouts, trois mille euros
étaient une vraie fortune et j'avais tellement envie d'y croire. Des larmes de
joie brouillaient mes yeux, mon garçon vivrait enfin un vrai Noël de riches
cette année !
Adolescent maintenant, il ne se plaignait jamais
malgré notre vie difficile, le pauvre. Il rêvait de baskets Nike ou Adidas,
tous ses copains en avaient, mais comment aurais-je pu les lui payer ?
J'ai tout de suite appelé le service expédition, une
autre gentille femme me demanda la référence de mon dossier et me dicta une
liste impressionnante d'articles non alimentaires à choisir. Comme j'hésitais
quelques secondes elle me proposa de réfléchir tranquillement et me mit en
attente.
Cinq minutes après elle revint et me demanda le
résultat de mes cogitations.
Très organisée et directive elle annonça :
- Parlons
d'abord d'électro-ménager ne quittez pas je regarde si le robot que vous
souhaitez est encore disponible.
Quelques minutes s'écoulèrent, elle revint,
essoufflée.
- C'est bon, il vaut 229 €, il vous reste 2 771 €. Parlons maintenant des baskets Nike pour
votre fils, quelle taille et quelle couleur voudriez-vous ? Ne quittez pas je
vérifie s'il en reste.
Cinq bonnes minutes se passèrent elle revint, toujours
essoufflée
- Excusez-moi mais j'ai dû aller dans les rayons,
vous avez de la chance c'était la dernière paire de cette taille et de la bonne
couleur. Les baskets valent 159 € il vous reste 2 612 €.
Cent-cinquante-neuf euros une paire de baskets ! C'est
dément mais il n'est pas très sage de vivre sans folie, alors soyons fous !
J'étais folle de joie à l'idée d’annoncer la bonne nouvelle à mon gamin.
Nous sommes restées ainsi plus d'une heure à choisir
mes cadeaux, ce fut long mais pour 3 000 € ça valait quand même
le coup.
Outre le robot ménager et les baskets Nike de mon gars
le magasin allait m’expédier un blouson Kaporal, une veste à capuche Lacoste,
un jean Levis, un sèche-cheveux, une tablette Apple, un téléviseur écran plat
Samsung, un smartphone et même du champagne choisi parmi plusieurs grandes
marques dont les noms m'étaient inconnus : Dom Pérignon plénitude à 315 € la
bouteille, Cristal Roederer, Ruinart millésimé blanc de blanc à 140 € les 75 cl
!
Chaque fois mon adorable correspondante allait
vérifier la disponibilité de l'article, en plaisantant je lui dis :
- Vous allez bien dormir cette nuit, avec tous les
déplacements que je vous oblige à faire vous devez être bien fatiguée.
Après l'avoir chaleureusement remerciée et raccroché
j'étais aux anges, pour une fois mon fils et moi allions avoir un vrai Noël.
Une heure plus tard, mon opérateur téléphonique me
transmettait un message :
Nous constatons un
dépassement important de votre forfait.
Un dépassement important de mon forfait ? Mon cœur
s'arrêta ! Emportée par la joie d'avoir gagné des cadeaux je n'avais pas
réalisé, le numéro rappelé pour recontacter la gentille femme était le 08 99 34
27 18.
En fait de cadeaux l'arnaque à la communication
surtaxée me coûta près de 130 € !
Moi qui comptais centime après centime pour joindre les
deux bouts, j'en étais malade.
Pour Noël nous avons eu pour tout repas de fête un peu
de pain trempé dans du lait chaud et en dessert mes larmes de rage,
d'humiliation et de détresse.
La gentille femme avec un accent adorable a sans doute
passé de bonnes fêtes de fin d’année avec mon fric, la Salope !
J'ai raconté ma mésaventure à mon garçon, il m'a prise
dans ses bras, m'a consolée et a dit :
- maman je t'aime, quand je serai grand et riche tu
pourras acheter tout ce que tu voudras.
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Maintenant il est grand. Devenu riche il ne vient plus
me voir, il ne m'appelle même pas pour Noël, il a honte de sa pauvre vieille
mère qui fait des ménages, je crois…
A moins qu'il n'ait découvert l'endroit où était
enterré le corps de son père que j'avais empoisonné parce qu’il me trompait !
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