La porte
entrouverte derrière la policière s'ouvre avec un très léger grincement, elle
se lève pour se retourner mais trop tard. Elle ressent une piqûre au cou tandis
qu'une main agrippe ses cheveux et tire brutalement sa tête en arrière. Une
voix féminine très douce susurre à son oreille.
- Un geste brusque ou un cri serait préjudiciable à votre
santé, je serais au désespoir de devoir enfoncer ce couteau plus avant dans
votre tendre et joli cou. Asseyez-vous sur la chaise, bras derrière le dossier
s'il vous plait.
Laurence, toujours
tête tirée en arrière, se rassoit très disciplinée, elle ne comprend pas ce qui
lui arrive, elle a peur, elle ne voit plus rien, un vertige la saisit. Un
liquide chaud perle le long de son cou, sans doute un peu de sang.
La voix douce
commande à son interlocuteur
- Cher Monsieur, puis je vous demander d'avoir
l'amabilité d'attacher votre petite Laurence sur sa chaise pour l'inciter à se
tenir tranquille, j’aimerais beaucoup
converser avec elle, moi aussi. La rallonge de votre ordinateur fera très bien
l’affaire, si personne ne joue au héros tout ira bien, sinon je la plante
immédiatement, je fais çà très bien, alors serrez bien, sinon je n’aurai pas
d’autre choix que de l’exécuter, puis retournez vous assoir bien sagement dans
votre fauteuil.
Laurence entend les pas autour d’elle, sent le froid du plastique
de la rallonge lier ses mains derrière le dossier de sa chaise. Elle reprend
ses esprits. Curieusement, c'est le ton mesuré et calme de son agresseuse qui
effraie le plus la policière, elle est entrainée pour faire face à la violence,
mais elle ne sait pas trop réagir à cette situation inédite de menace feutrée
et polie. Son appartenance à la police l'a toujours protégée jusque là. Elle se
retrouve pour la première fois dans une situation mettant sa vie en danger. La
main libère ses cheveux, sa tête reprend une position normale, le poignard est
toujours tout près de son cou, prêt à frapper. Quelques gouttes salées coulent
de ses yeux et finissent dans sa bouche. Elle pense subitement à son père
sauveteur en mer pendant ses vacances, il portait un tee-shirt sur lequel
quelques mots étaient imprimés: "pour que l'eau salée n'ait jamais le goût
des larmes".
Elle reconnait
instantanément Eden sans l'avoir jamais vue, le portrait robot est vraiment
fidèle, d'où sort elle ? Grande, mince,
sa bouche est divinement sensuelle, son nez légèrement retroussé, ses cheveux
châtains dorés sont courts, une jupe noire s'arrêtant mi-cuisses souligne la
perfection de ses jambes, mélange de Xéna la guerrière, issue de la série
qu’elle aimait tant petite et Hélène dans "TROIE " aux côtés de Brad
Pitt et Orlando Bloom. Ses yeux verts
légèrement en amande sont terrifiants, un regard de panthère face à une
gazelle, un requin prêt à attaquer. Tous les prédateurs ont ce regard fixe qui
parait refuser le statut d'être vivant à leur proie.
Laurence se
ressaisit. Pour retrouver un peu d'espoir, elle cherche à se rassurer : elle a
confiance, son interlocuteur est ici et c'est un malin. Mais elle se la raconte,
elle préfère oublier tous les instants où elle ne le voyait que comme un pantin
manipulé et complètement envouté par cette ensorceleuse. Elle tente de se
persuader : « Le comportement d'Eden lui montre enfin sa vraie
nature, il ne peut plus douter de sa culpabilité, il va s'arranger pour faire
des nœuds suffisamment lâches pour que je me libère facilement, après je serai tout à fait capable de retourner la situation, mais
comment Eden peut elle être là ?
Elle décide de
reprendre en main son destin.
- Eden, comment pouvez vous être là ! Monsieur , faites tout ce qu'elle
voudra, je vous en supplie.
- Vous êtes raisonnable, parfait, tout va bien se passer.
Vous me cherchiez, j'étais tout près de vous juste derrière cette porte depuis
le début de votre entretien.
J'ai vu par dessus le portail votre voiture immatriculée dans le Gers avec un
macaron " j'aime la police" sur le pare brise. Vous pensez bien que
j'ai tout de suite compris que votre visite me concernait. Je n'ai pu résister
à la tentation, je suis montée très facilement en grimpant sur la poubelle.
Laurence se
souvient d'une de ses formations sur le comportement à adopter dans une
situation de prise d'otage. Il est important
de parler, parler encore, négocier, désamorcer les conflits, tenter de
sympathiser avec l'agresseur qui finit par se fatiguer. Le temps travaille
contre le preneur d'otage lui a-t-on dit.
- Ne faites pas
l'imbécile, je suis officier de police judiciaire, détachez moi immédiatement
et j'oublierai cette agression, je suis là pour vous aider. Un bon avocat saura
plaider l'irresponsabilité pénale au moment des faits, maintenant vous êtes
guérie vous devriez bien vous en tirer.
- C'est ça, je suis guérie et avec beaucoup de chance je
passerai les vingt prochaines années au mieux à l'asile, au pire en prison,
merci pour l'avenir radieux. Ne me prenez pas pour une courge ou une blonde,
j'ai retrouvé ma couleur originelle.
- Il n'y a rien de personnel dans mon enquête et je suis
terriblement désolée de l'horreur que vous avez vécue dans votre enfance, mais
je ne fais que mon devoir, votre psy peut vous le confirmer.
- Vous avez fait plus que votre devoir, vous êtes trop
intelligente et infiniment dangereuse pour moi.
Laurence poursuit sa stratégie, elle doit également lui
donner confiance.
- Je ne représente aucun danger pour vous, personne ne m'a
crue jusqu'à maintenant, il n'y a pas de raison que cela change. Je ne demande
qu’à comprendre et à vous écouter, dites moi plutôt où je me trompe et ce qui
est vrai dans mes déductions...
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