On l'a vue sur la place de Lamothe à dix kms d'Eauze, en
grande discussion avec le vieux fou du village puis elle disparait, comme si
elle n'avait jamais existé et les meurtres cessent. Plus rien, nada, nothing,
que dalle !
J'ai rencontré le vieux sur la place, mais il n'a pas voulu me parler,
il est complètement cinglé et il ne sait que
dire : la révélation du secret de Paul conduira à la fin du monde occidental.
Comprenne qui pourra.
J'ai alors fait établir par un collègue spécialisé un
portrait robot grâce aux descriptions plutôt flatteuses recueillies et l'ai
diffusé, malgré les réprimandes de ma hiérarchie à l'ensemble des gendarmeries
et commissariats du territoire. La sanction est tombée illico, quinze jours de
mise à pied soit disant pour me
permettre d’oublier mon obsession et de retrouver mon sens de l’obéissance.
Malgré cela, parallèlement j'ai recherché toutes les victimes de violences
sexuelles impliquant des membres du clergé sur les vingt dernières années
. Rien
n'est sorti de ces recherches, grâce à vous je sais maintenant pourquoi, le
coupable était son frère aîné, mais elle ne le savait pas encore au moment des
faits. J'ai également épluché les "fadettes " de tous les opérateurs
téléphoniques à cette période.
- Les fadettes ?
- Oui, les factures détaillées nous permettent d'identifier
tous les appels téléphoniques passés près des antennes-relais desservant les
lieux des drames. Je cherchais à établir une relation entre les meurtres et des
appels passés juste à côté par un même numéro avant ou après. C'est une démarche
de routine très efficace. Vous imaginez le boulot. Mais là non plus rien n'en
est sorti. Pas étonnant, vous m'avez expliqué pourquoi, Eden a très peu utilisé
son téléphone pendant son expédition meurtrière. J'ai poussé la conscience
professionnelle jusqu'à m'enfermer des heures dans chaque lieu pour écouter,
sentir, communier ...
- Communier signifie être en union spirituelle, le terme est
bien mal choisi - interrompt son interlocuteur
agacé de voir ses propos détournés de son objectif tendant à montrer l'innocence
d'Eden.
- Au contraire, le mot me parait parfaitement adapté, j'ai
essayé de me mettre dans la peau de la responsable de cette folie, j'ai tenté
d'imaginer ses motivations. Je ne me suis pas complètement plantée, mais je dois bien avouer humblement que
ce n'est pas demain que je pourrai me prétendre mentaliste et rivaliser avec
Patrick Jane.
- Comment êtes vous arrivée jusqu'à Eden et par extension
jusqu'à moi ?
- Vous voilà à votre tour bien impatient. Moi aussi j'aime
détailler mes actions et vous serez bien obligé de constater que mon instinct
ne m'a pas trompée, une fois de plus. Une dizaine de collègues de diverses
régions ont cru reconnaître le portrait robot, toutes les pistes ont été
vérifiées, en pure perte, et MIRACLE ! L'un d'eux, un certain Maurice
Grondin du commissariat de Cannes se souvenait parfaitement avoir enregistré
une main courante il y a plusieurs années : Une jeune femme ressemblant au
portrait, sauf la couleur des cheveux et avec quelques années de moins, avait
agressé avec un couteau un supérieur qui l'importunait. Comportement plutôt
rare chez une femme pour qu'il s'en souvienne parfaitement, d'autant que la
demoiselle était, je cite : « Particulièrement bandante. »
Cette piste semblait la plus
prometteuse. Bien
qu'il parte à la retraite deux semaines plus tard à l'ile de la réunion dont il
est natif, Maurice Grondin accepta de faire une enquête discrète pour
actualiser ses informations. De plus, chose étonnante, en apprenant par les
médias l'existence supposée d'un serial killeur le long du chemin de Saint
Jacques de Compostelle, il avait spontanément pensé à la jeune fille en
question et s'était demandé si elle jouait toujours aussi bien du couteau.
C'est ainsi que j'appris le nom de ma suspecte, son adresse ainsi que vos
coordonnées .
Je ne regrette pas
ma visite ici, grâce à vous j'ai pu comprendre enfin toute
l'histoire et il ne me reste plus qu’à rattacher
entre elles toutes les pièces de ce puzzle diabolique.
Son interlocuteur sourit amèrement
- Si je résume :
Un
policier retraité a embrayé sur vos fantasmes uniquement parce qu'Eden s'était
défendue à l'aide d'un couteau il y a plus de dix ans.
Des
retraités gersois ont trouvé un billet de train dans une poubelle.
Votre enquête est officieuse.
Vos
supérieurs ne cautionnent nullement vos conclusions imparables issues de votre
extraordinaire instinct infaillible.
Je
persiste à croire que vous devriez consulter rapidement un psychiatre.
.
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