mercredi 13 juin 2018

Les tribulations d'un Lyonnais en Provence : Histoire n° 12




 

Rencontre sidérante  sur les berges
 
du lac de Saint Cassien
 

 

 

 

 Nous avons choisi d'habiter un endroit magique situé un peu à l'écart des grandes routes touristiques : Le pays de Fayence.
 Trop au sud pour se dire encore en Provence et 30 kms trop au nord pour prétendre faire partie de la Côte d'Azur nous sommes ici au cœur d'une singularité comme disent les astronomes
 
 Une partie des vacanciers qui se ruent sur les plages chaque année quittent à la sortie "Le Muy" un fleuve nommé "autoroute du sud" pour se déverser sur Sainte Maxime et Saint-Tropez.
D'autres mouillent à Saint Raphaël, certains débarquent à Cannes, Antibes, Juan les pins et Lyon devient la banlieue de Saint Paul de Vence aurait dit Charles Trenet.

   Là, chez nous,  ce sont des collines paisibles foisonnantes d'arbres bruissant des concerts de cigales ou de tourterelles, chênes lièges, arbousiers, mimosas dont les branches chargées de fleurs dorées et parfumées annoncent la fin d'un hiver clément, oliviers tordus, pins parasols, eucalyptus aux troncs lisses et blancs desquels se détachent des écorces odorantes.
 La route longe un moment avec délices le lac de Saint Cassien qui apothéose ce paysage fabuleux où tout est gourmandise et douceur, la lumière, les bruits de la nature, les odeurs, l'air même est différent.

 Sur les berges du lac facile d'accès les familles se dorent au soleil, pique-niquent (verbe ambigu), les enfants sautent dans l'eau, se cachent dans les criques, loin des grands troupeaux migratoires.

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 Tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes azuréens quand par un beau matin de printemps, on vit éclore sur le bord du lac une dizaine de jeunes filles en fleur, brunes rousses et blondes court vêtues,  très sympathiques, invitant par des gestes non équivoques les automobilistes à les rejoindre pour des jeux moins bucoliques. Le paradis découvrait l'enfer de la prostitution !

 Après quelques semaines, des panneaux improvisés dénonçant cette plaie furent dressés sur le bord de la route par des autochtones exaspérés par le spectacle infligé à leurs enfants interrogateurs : « papa, maman qu'est-ce qu'elles font les dames là ? » et par les sarcasmes de leurs visiteurs.
La gendarmerie eut beau faire des rafles, les jeunes femmes revenaient toujours, l'emplacement était pratique et rentable !
Huit mois plus tard, l'une d'elles fut agressée et laissée pour morte dans la forêt, elle avait refusé de payer un racketteur qui l'aurait "protégée" contre des voyous comme lui !
On commença à plaindre ces pauvres malheureuses travaillant à moitiés nues par tous les temps, Brassens avait comme toujours trouvé à ce sujet les mots justes, il y a longtemps :

 
 Bien que ces vaches de bourgeois
les appellent des filles de joie
c'est pas tous les jours qu'elles rigolent
parole

 Les filles s'organisèrent en petits groupes d'autoprotection ou acceptèrent de payer "l'assurance-vie", puis on s'habitua, on s'habitue à tout. Pour beaucoup de passants, même non consommateurs, elles représentaient finalement un élément agréable du paysage, certaines très belles étaient saluées par des coups de klaxon admiratifs.
 
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 Un ami me raconta cette histoire  en buvant l'apéro :
 

 
" Nous étions à l'été 2011.
 Je marchais sur le bord du lac devançant mon épouse de vingt mètres. Ce jour-là je  jouais de malchance, Catherine ayant  pour une fois tenu à m'accompagner.

Soudain un bruit de course, je me retourne, une jeune femme blonde en short avec des bas résilles et des bottes se précipite sur Catherine et supplie.

   - Au secours, aidez-moi.

  Un grand type baraqué sort d'un bosquet, l'air un peu halluciné et marche vers les deux femmes. Il ne m'a pas vu et s'arrête à trois mètres d'elles pour mieux commenter la scène.

   - De mieux en mieux, deux pour le prix d'une, tu vas me donner ton fric, après ta copine me sucera.

   Il tient un poignard dans sa main droite posée négligemment le long de sa cuisse, sûr de sa domination.
Tout s'est passé très vite, je me rapproche guère rassuré, un gars avec un couteau à la main a souvent le dernier mot dans une discussion avec un homme désarmé. Heureusement à ma vue il tourne les talons et disparait dans les fourrés.
J'attends qu'il soit loin  pour hausser courageusement le ton devant ces dames et lui signifier succinctement ce que je pense de lui, il faut se montrer économe de son mépris tant les nécessiteux sont nombreux.

Ma femme interroge la pauvre fille qui tremble de tous ses membres.

   - Il vous a fait du mal ou a pris votre argent ?

   - Non, je me suis sauvée à temps, mais j'ai eu trrès trrès peurr.

Elle roule délicieusement les "r" comme les actrices des pays de l'est qui disaient à  Michel Blanc "je vous trrouve trrès beau" dans le film du même nom.

   - Vous devriez aller à la gendarmerie pour déposer une plainte.

   Incrédule, la prostituée la regarde.

   - Surrtout pas, c'est moi qui serrais arrrêtée. Pietrro va rrégler le prroblème.

   - Pietro ?

   - Oui, mon mec.

 Nous accompagnons notre protégée encore terrifiée près du camion-snack "Chez Babeth" et  nous asseyons autour d'une des tables posées directement sur l'herbe clairsemée,  nous commandons trois  cocas.  La jeune péripatéticienne  parle bien français avec ce petit accent si important pour son fonds de commerce.

Elle exploite son corps, sa voix, son odeur, sa beauté, le grain de sa peau, pour les hommes elle est " belle comme la femme d'un autre ", formule profonde, tellement vraie et si révélatrice des fantasme masculins.
Je connais un proverbe qui exprime à peu près une idée identique, "changement d’herbage réjouit les veaux. "

   Grande, fine, blonde aux yeux bleus, ses beaux seins bronzés trop gros pour être honnêtes débordent de la guêpière qui enserre son buste.
 Pour ne pas déclencher la jalousie de Catherine je fais le gars pas intéressé et je regarde ailleurs, je sais être discret, mais je continue à penser que je n'ai pas de chance aujourd'hui,
d'habitude je suis seul.
 Cette solitude eût été plus pratique pour recueillir ses manifestations de gratitude il faut croire que ce jour là l'ange-gardien chargé d'organiser mes plaisirs était distrait…

Les prostituées, pensai-je, vendent surtout de l'imaginaire, de l'exotisme, leurs clients achètent une fiction, celle de la femelle toujours disponible, la chose toujours prête pour eux, sans obligation de discussions inutiles.

   Elle se sent maintenant un peu plus en sécurité, intarissable, elle raconte sa vie en distribuant des petits sourires furtifs à droite et à gauche. Elle dit  venir de Plovdiv, deuxième ville de Bulgarie, cinquième d'une famille de six enfants, la misère, un père violent et alcoolique, un amoureux qui la séquestre, puis la frappe jusqu'à ce qu'elle accepte de travailler pour lui, la déchéance... On dirait du Zola.

   - Je m'appelle Nikolina, les Frrançais aiment les prrénoms féminins se terrrminant en A, Barrbarra, Natacha, Vanessa. C'est la prremièrre fois que ce genrre d'incident  se prroduit, Pietrro ne veut pas perrdrre une de ses poules aux œufs d'orr.

   Nous l'écoutons, attentifs et curieux, fascinés par ce monde qu'elle nous révèle. Nous voudrions lui poser les questions qu'on rêve tous de poser un jour à une prostituée : « Pourquoi fais-tu ce métier ? Tu n'es pas dégoûtée ? Es-tu contrainte par un mac ?...

   La fille sourit et annonce sans plus aucun accent.

   - Bon allez  j'arrête de vous la jouer Cosette, il n'y a pas de Pietro, ni de Nikolina, en réalité je m'appelle Aurélie, je viens de la région parisienne, je suis licenciée en droit. J'aime l'argent facile, les fringues de luxe, les belles voitures et les bijoux.  Je gagne maintenant en un mois plus que je n'aurais gagné en un an comme clerc de notaire ou assistante de mon premier patron, un avocat se croyant autorisé à me tripoter parce qu'il me donnait royalement 2 000 € par mois pour 55 heures de travail par semaine. Je vous remercie de m'avoir secourue, j'étais mal barrée avec le mec chelou que vous avez mis en fuite.

 

Ma femme demande:

- Mais alors vous n'avez personne pour vous protéger ?

 

La fille répond dans un langage fleuri et peu juridique, me faisant douter de sa licence en droit, pour tout te dire elle me parut plus licencieuse que licenciée :

 - Pas besoin, je suis capable de me défendre moi-même, j'ai une bombe lacrymogène dans mon sac, je me méfie, dès que le client a joui il change de comportement et regrette souvent d'avoir donné son fric. Je me fais toujours payer avant pendant qu'il bave d'envie, après c'est le moment critique où j'ai constamment  la main sur ma bombe pour calmer les excités qui auraient la vilaine idée de piquer mon blé, mais là je me suis faite avoir.
 L'enfoiré qui m'a agressée n'a pas cherché à me baiser avant, je n'ai pas pu sortir mon arme, heureusement vous étiez là grâce à vous tout s'est bien terminé. Je rêvais depuis longtemps de venir travailler au soleil, j'ai besoin de respirer l'air pur et ici on peut faire la pêche au gros. Jusqu'ici j'ai toujours travaillé dans le nord, d'abord en Belgique puis dans le nord de la France comme Escort Girl, j'ai même participé deux fois à des partouzes à Lille avec notre futur président.

   - Notre futur président ?

   - Oui, un petit homme vieux, gros et moche, mais assez charismatique, vous voyez  qui je veux dire ? J'étais très bien payée, mais il était grossier et brutal, il nous considérait comme du "matériel".

   - Vous avez partouzé avec D.. ?

   - Oui, au Carlton de Lille. En fait si je veux être précise, lui a partouzé, moi je bossais. Quatre hommes pour deux femmes on a ramassé grave, notre gros chèque n'était pas volé, j'étais crevée à la fin de la "séance". Nous étions payées par des cadres d'une société de BTP qui organisaient tout, il y avait même un commissaire de police. Sur ces deux soirées, en tant que juriste de formation, je me suis amusée à relever les chefs d'inculpation qui auraient pu frapper ce beau monde : Abus de bien social, proxénétisme hôtelier et pour nous les filles : Recel d'abus de bien social. On m'a proposé une grosse somme pour rejoindre D.. trois jours à Washington, mais j'ai pris une angoisse, ça sentait le roussi, j'ai préféré laisser l'affaire à ma copine.

 L’idéal pour moi serait de me trouver un vieux riche qui m'épouserait, après ne resterait plus qu’à lui déclencher une crise cardiaque lors d'une de mes chevauchées fantastiques. Il faut que je gagne un maximum de fric pendant que je suis belle, nous sommes comme les footballeurs, notre carrière est courte. J'ai déjà acheté un appart à Paris pour mes vieux jours. J'ai voulu tâter un peu l'exotisme du bord du lac dont j'avais entendu parler, mais ce n'est pas pour moi, trop dangereux. Je préfère rester sur mon créneau, en général je travaille sur rendez-vous avec des clients fortunés, je les accompagne dans des voyages, quelquefois je représente le cadeau qui permets de conclure une affaire.

A ma grande surprise, en rougissant un peu Catherine s'est renseignée sur ses tarifs, puis nous avons raccompagné Aurélie jusqu'à sa voiture, une magnifique Peugeot RCZ blanche et noire garée sous un olivier.
 
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Peut-être émoustillé par la belle hétaïre, de retour à la maison j'étais plus tendre que d'habitude, ma femme paraissait également très excitée.

Pour renforcer cette ambiance propice à quelques coquineries impromptues je débouchai la demi-bouteille de Mumm cordon rouge toujours disponible dans le frigo  au cas où des gens importants débarqueraient à l'improviste, remplis deux flûtes et proposai : cul sec ?

J'ose à peine te dire la suite, elle m'a répondu :

- Cul sec, tu viens de résumer le drame de ma vie.

Amis de la poésie bonsoir !

Elle a poursuivi :

- Tu as entendu, l'agresseur a cru que j'étais aussi une pute, c'est plutôt flatteur, dommage qu'il soit parti si vite sans avoir mis ses projets à exécution.
 
Ses projets à exécution? J'ai rembobiné puis déroulé dans ma tête le film de l'incident, le gars a exigé :

  - De mieux en mieux, deux pour le prix d'une, tu vas me donner ton fric, après ta copine me sucera. "

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Nous avons terminé notre pastis en silence puis inquiet  mon pote a demandé :

 -Tu crois qu'elle était sincère lorsqu'elle a dit être flattée d'être prise pour une pute?

 

Je suis resté muet, ne sachant rien des secrets désirs de nos compagnes ni de leurs fantasmes qu'aurais-je pu répondre? 
 Toutefois, quitte à vendre leur joli petit corps je me doute qu'elles se rêvent plutôt courtisanes princières, ladies Escort  ou prostituées de luxe.

 

Quelques secondes plus tard il a prononcé cette parole forte à laquelle j'adhère sans restriction: La seule chose que j'ai compris chez les femmes c'est que je n'y comprenais rien !

En remplissant une énième fois les verres, grognon il a déploré,

- Tu ne me croiras jamais  lorsque je te dirai comment cette histoire s'est terminée. Catherine m'a dit en dégrafant mon pantalon :

"Profites-en,  aujourd'hui  c'est encore gratuit, à partir de demain ce sera deux cents euros pour l'ordinaire et cinq cents euros pour les perversités  !"

Je croyais qu'elle plaisantait mais pas du tout  maintenant il faut que je débourse deux cents euros à chaque fois et comme je n'ai pas une grosse retraite je vais être obligé de chercher un petit boulot d'appoint…

 

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Il ne devrait pas se plaindre, c'eût pu être bien pire,  contrairement à ce qu'il croit il s'en tire honorablement, car il est bien connu que Les femmes les plus chères sont celles que l'on ne paie pas ! 

Tous ceux qui ont une maîtresse vous le diront ! hé hé
 
 
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Cette histoire est extraite du livre :



 

 Pour un exemplaire dédicacé, un contact ou accéder aux liens marchands :

 site web - http://serge.boudoux.fr

 


Semaine prochaine, révélations sur l'énigme du Masque de Fer !















 
 

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