Le son de ta voix
A quarante - deux ans, je suis agent général d'une
grande compagnie d'Assurances.
Travailleur acharné, après avoir racheté à crédit la
clientèle (le portefeuille dit-on dans notre jargon d'assureurs) de mon patron
j'ai installé mon cabinet dans un joli immeuble de la presqu'île. Le remboursement des prêts souscrits pour
payer le portefeuille, le "pas de porte " et les travaux d'aménagement
me contraint à travailler comme une bête, mon objectif ultime étant de prendre
ma retraite vers cinquante - cinq ans.
Bien sûr rien
n'aurait été possible sans l'accord et le soutien de Vanessa, mon épouse depuis
sept ans, jolie blonde qui m'adore selon toute évidence et je le lui rends
bien.
Plus compréhensive et intelligente que toutes ces
femmes qui chargent de soucis et de responsabilités leur conjoint comme une
mule avant de lui reprocher d'être chargé elle a parfaitement compris ce
qu'impliquaient des tels engagements sur le long terme : elle supporte
stoïquement mes absences, mes rentrées tardives et ma fatigue chronique. En
contrepartie, financièrement elle est gâtée !
Elle ne travaille pas et s'occupe de notre enfant de
trois ans. J'ai beaucoup de chance, nous nous entendons harmonieusement, jamais
une dispute.
Heureusement, comme moi elle n'est pas" très
portée sur la chose ". Les cabrioles du sexe ne m'ont jamais enthousiasmé
et, entre nous, je suis un peu éjaculateur prématuré ce qui n'arrange
rien.
Au début de notre mariage, émue devant ma crainte de
la frustrer elle m'avait rassuré :
- Pour moi ce qui est important c'est la tendresse.
C'est sûrement vrai, j'ai lu quelque part la maxime
suivante :
- Un homme donne de la tendresse pour avoir du sexe,
une femme accorde du sexe pour obtenir de la tendresse.
Finalement ma
femme a de la chance, avec moi elle accède directement à la tendresse sans
passer obligatoirement par la case " sexe ", de plus ça m'arrange.
Depuis quelque temps une ou deux fois par semaine elle
m'appelle dans l'après-midi et me dit :
- J'avais
simplement envie d'entendre le son de ta voix. Tu rentres tard ce soir ?
Vous vous rendez compte ? Après sept ans de mariage
elle m'appelle juste pour entendre le son de ma voix, j'en ai les larmes aux
yeux.
Très cultivée elle me cite souvent Paul Eluard
écrivant à Gala sa grande passion amoureuse : " "J'entends vibrer ta voix dans
tous les bruits du monde ".
Une telle comparaison me flatte infiniment…
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Un mercredi matin une jeune femme a poussé la porte de
mon cabinet. Je n'avais jamais vu personne si …comment qualifier mes
impressions ?
Vous voyez Demi Moore dans le film " Proposition
indécente " ? à la fois très féminine et garçon manqué, réservée et
délurée, timide et provocante, trouble, femme enfant et rassurante, toute en
contradictions et j'aimais beaucoup cela.
Elle était belle comme la femme d'un autre !
Elle s'appelait Aline, venait d'aménager dans une
grande maison bourgeoise à Saint Cyr au Mont d'or, joli village de la banlieue
chic de l'ouest lyonnais et voulait l'assurer. Comme mon cabinet est situé
idéalement près de quelques boutiques de fringues de luxe, après avoir squatté
une de mes places de parking elle avait fait ses emplettes puis n'eut qu'à
pousser ma porte.
Un démon de
passage me fit déroger totalement à mes habitudes consistant à établir le
contrat sur simples déclarations. J'affirmai alors que je devais absolument
visiter son habitation pour définir des garanties adaptées et calculer la prime
au plus juste. Nous les assureurs avons le sens de l'humour quand nous nommons
le prix de l'assurance : une prime !
Rendez-vous fut pris pour l'après-midi quinze heures.
Je suivais des yeux sa silhouette parfaite quand elle se retourna en refermant
la porte et me lança un regard qui fit monter ma tension de quelques
centimètres de mercure. Elle monta avec grâce dans un cabriolet BMW et démarra
en trombe, elle me manquait déjà.
A quinze heures tapantes le cœur battant comme celui
d'un adolescent le jour de son premier rendez-vous, j'arrêtai ma Rover Evoque
devant son portail qui s'ouvrit immédiatement et se referma derrière moi.
Manifestement elle guettait mon arrivée.
Elle me proposa
de visiter la maison, but officiel de ma visite, et me précéda dans l'escalier.
Moulé dans un legging son joli petit derrière, semblait me dire :
-
Avez-vous remarqué que j'avais un beau cul ?
Après avoir fait " le tour du propriétaire "
(faire le tour de la propriétaire eut
été plus rapide vu la minceur de sa taille) elle m'offrit un café.
Une bonne
odeur s'échappait d'une antique cafetière en porcelaine, deux tasses, deux
soucoupes et quelques biscuits nous attendaient sur un plateau. Elle me pria de
m'asseoir, galamment je remplis les tasses avec précaution pour ne pas
renverser de café sur les soucoupes et lui en tendis une, nos mains se
frôlèrent. Elle avait de très belles mains avec de longs doigts dont chaque
mouvement semblait esquisser une fabuleuse gestuelle sensuelle.
Mon ventre
s'enflamma, la rigidité soudaine de mon sexe me prit par surprise, il ne
m'avait pas habitué à un tel comportement offensif jusque-là. Le désir masculin
est un grand mystère, il s'invite souvent sans façon quand on ne l'attend pas
et timide, refuse parfois de se montrer quand on tente de le convoquer à date
prévisible. Une vieille chanson des Seventies disait, au second degré :
« Ils font l'amour le samedi les gentils, ils font ça n'importe quand les
méchants. » Que dieu nous garde de cette gentillesse imbécile, limitative
de nos appétits et nous pardonne nos méchantes mais délicieuses envies
spontanées.
Son parfum discret m'enchantait. Elle se rapprocha
quand je sortis le contrat provisoire, nos jambes et nos épaules se touchèrent
par inadvertance, un frisson parcourut alors mon corps.
La peur de ne
pas pouvoir maîtriser mon membre viril qui ne désarmait pas me troubla.
Adolescent, en dansant avec une copine qui me collait de près, j'avais pris une
envie subite et éjaculé spontanément dans mon slip ce qui avait beaucoup fait
rire la fille quand je le lui avais ingénument avoué, elle m'avait surnommé un
peu facilement "Lucky Luke, l'homme qui tire plus vite que son
ombre". Vous comprenez maintenant ma crainte de revivre la même
mésaventure qui cette fois risquait de ne pas m'amuser du tout.
Subitement, sans prévenir, d'un geste gracieux elle
fit passer son pull noir par-dessus sa tête, ébouriffée elle me décocha un
petit sourire espiègle, deux petits seins nus, impertinents et adorables me
firent face, impatients d'être délicatement câlinés.
Je n'avais jamais trompé Vanessa. Vu les mœurs de
notre époque c'est difficile à croire mais c'est vrai, comment mentir et
risquer de faire du mal à une femme si loyale ?
Tétanisé et en
panique, envies, doutes et angoisses tournaient dans ma tête, mes mains
traîtresses se tendaient déjà pour caresser la belle Aline, un début de
culpabilité délicieuse poignait à l'horizon de ma fidélité chancelante quand se
produisit l'impensable.
- Attends, me tutoya la jolie tentatrice, j'en ai pour
une minute, simple vérification.
Elle prit alors son téléphone :
- Allô chéri, je te dérange ? Non, tout va bien je voulais simplement entendre le son de ta
voix. Tu rentres tard ce soir ? 21 h. Ok.
Bisous mon cœur.
Se tournant vers moi, d'une voix douce terriblement
sensuelle elle me tint un discours élégant dont la philosophie me donna
toutefois la nausée :
- Voilà, mon mari est effectivement enchaîné à son
bureau, maintenant on est tranquilles. Il est notaire et comme il a racheté la
clientèle de son patron, il travaille beaucoup et rentre très tard, alors il ne
s'occupe pas beaucoup de moi il ne peut pas être partout. Bien sûr je suis
gâtée financièrement mais cela ne suffit pas toujours. Quelquefois l'Avoir ne
satisfait pas pleinement l'Être, dans la journée je m'ennuie terriblement et il
faut bien que je m'éclate un peu.
Manifestement décidée à profiter de ma présence pour
rassasier son joli corps si délaissé elle exigea :
- Embrasse-moi !
Je voulais simplement entendre le son de ta voix ? avait-elle dit à son
mari. Mon cœur et mon corps étaient
glacés, j'ai rangé mes papiers, suis parti sans un mot et …sans la prime !
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Hier dans l'après-midi quand Vanessa, mon épouse
adorée, m'appela juste pour entendre le
son de ma voix ma réponse fut :
- Je te manque ? je rentre tout de suite.
En arrivant chez moi cinq petites minutes plus tard il
me sembla qu'elle était moyennement contente de mon retour précipité, une odeur
de café flottait dans l'air et, ouvrant sournoisement la porte du lave-vaisselle je vis deux tasses rangées dans le panier du haut.
Relisant un jour la biographie d'Eluard j'ai découvert
que Gala, la femme pour laquelle il avait
écrit : " j'entends vibrer
ta voix dans tous les bruits du monde " l'avait longuement et honteusement
trompé avec Max Ernst puis s'était finalement mariée avec Salvador Dali...
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