mercredi 4 avril 2018

Le paradoxe du grand-père


Le paradoxe du grand-père
 
Attention histoire folle à lire au moins deux fois

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Première partie : Les fantômes du souvenir
 
 
Morestel ( Isère ) Juillet 1965.
 
Récit de Charlie :
Dans le champ fleuri proche du petit étang d' Iselet une fille brune était allongée sur le ventre, presque nue. Bronzée dans son lit vert où la lumière pleut sa peau couleur miel m'attirait irrésistiblement, je m'approchai doucement pour ne pas l'effaroucher et la saluai :
- Bonjour !
Apparemment peu craintive, elle referma lentement le magazine " Nous Deux " qu'elle feuilletait, tourna simplement la tête,  aperçu mes pieds dans l'herbe, s'assit et s'étira avec un petit soupir de plaisir  :
- Salut, on se connait ?
Elle avait un adorable petit accent indéfinissable et de grands yeux noirs, de longs cheveux bruns encadraient et mettaient en valeur son joli visage bruni par le soleil, elle ressemblait à une princesse indienne. Je n'avais jamais encore vu fille si belle,
Mal à l'aise dans mon grand corps de 17 ans émacié par ma pratique du marathon et de la musculation j'étais très impressionné, presque désespéré, malgré mon torse musclé mes cheveux blonds frisés et mes yeux verts il me parut impossible de plaire à une telle beauté. Je bredouillai :
- Non on ne se connait pas mais justement j'aimerais vous connaître.
- Pourquoi ?
- Pourquoi quoi ?
- Pourquoi veux-tu me connaître ?
Que répondre à cela ? Je suis resté muet, je n'avais pas encore le sens de la répartie qui me caractérise  aujourd'hui, heureusement elle fit les questions et les réponses.
J'aimais bien discuter avec les filles, c'était facile elles avaient toujours des tas de choses à raconter, celle-ci ne dérogeait pas à la règle. Gentiment elle me proposa :
 - Assieds-toi à côté de moi.
Après  un quart d'heure je savais presque tout de sa vie : Parisienne, âgée de 17 ans également,  en vacances chez ses grands-parents demeurant cité Logirel, elle s'ennuyait ferme.
Elle me prit par la main et décréta :
- Viens on va se baigner !
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Le lendemain, un jeudi,  je la retrouvai derrière la Poste et l'emmenai sournoisement du côté  de la promenade des amoureux baptisée officiellement  chemin de la Manine ( mot signifiant à peu près petite main ). Après avoir grimpé le versant du  demi cratère creusé, disait-on, par une bombe de la seconde guerre mondiale tombée là par hasard, nous sommes passés  sous les barbelés distendus et montés à travers les bois  jusqu'à la petite falaise.
 
 Loin du monde, elle m'autorisa à l'embrasser pour la première fois. Un garçon de 17 ans est bien loin d'avoir la maturité d'une fille du même âge aussi j'eus tout de suite l'impression d'être un jouet entre ses mains, elle m'excitait puis me reprochait d'être excité ce qui semblait l'amuser beaucoup. Moi j'étais fou d'elle et ce n'était pas une simple expression  j'avais perdu la raison,  je me retrouvai dingue de cette fille sans me rendre compte que j'aimais bien au-dessus de mes moyens ( et même de mes extrêmes, le produit des extrêmes étant égal au produit des moyens, tout bon mathématicien vous le dira )
 
Le vendredi  un peu avant 13 h nous nous sommes rejoints aux " Communaux ", elle avait emprunté le solex de sa grand-mère, moi j'étais venu à pieds.
Distant environ de deux kilomètres du centre du village, on accède à ce vaste terrain boisé  et rocheux bordant l'étang de Roche plage en traversant le hameau de Tuile.  Appartenant à la commune comme son nom l'indique cet endroit discret  était le paradis des jeunes amants baby-boomers  de ces années 60 magiques et folles, porteuses d'espoir et de liberté.
Des chemins ombragés partant en tous sens longent des taillis touffus et rocailleux propices à la méditation et à d'autres activités plus physiques. En l'emmenant là j'avais bien l'intention de la caresser tout mon soûl et bien plus vu nos affinités.
 
Ce jour-là  un mini short effrangé en jean soulignant la splendeur de ses jambes, de ses mignonnes  petites fesses et une chemise ouverte de deux boutons sur sa jolie poitrine, nouée à la taille avec une négligence calculée furent pour moi un véritable supplice de Tantale.
 ( Tantale étant un fils de Zeus condamné pour avoir offensé les dieux. Placé au milieu d’un fleuve et sous des arbres fruitiers, le cours du fleuve s'asséchait quand il se penchait pour en boire, et le vent éloignait les branches de l'arbre quand il tendait la main pour en attraper les fruits. Les dieux mythologiques étaient cruels, souffrir de la soif si près de l'eau…)
 
 Sans mon excellente éducation la bave aurait sans doute coulé de mes lèvres.
 
Je lui murmurai à l'oreille un petit poème naïf imaginé le long du chemin :
- Aujourd'hui comme hier et sans doute demain
Je rêverai de toi, tu me prendras la main
Nous marcherons sans but dans les rues d'un village
Je te chuchoterai : surtout ne sois pas sage.
 
Ses grands yeux faussement innocents me défiaient, moqueuse elle  me  provoqua :
- Je vois bien que tu ne m'aimes plus ! Tu ne m'as pas encore dit combien je suis belle.
- Tu es belle.
- C'est tout ?
Elle s'approcha, sa main soupesa mon érection majestueuse, presque douloureuse :
- Bon, là je te crois.
L'affaire se présentait bien, nous descendîmes tout au bord de l'étang. Assise nonchalamment sur un rocher ses jolis petits pieds nus faisaient floc floc dans l'eau, adossée à un jeune chêne  elle prit des poses langoureuses puis se redressant elle  se colla à moi :
- Embrasse- moi.
Je l'embrassai longuement sans pouvoir me rassasier. J'adorais son haleine mentholée, sa peau fleurant bon le lilas. Malade  de désir et ne pouvant  plus me résoudre à attendre son bon vouloir j'entrepris de baisser son short, dernier rempart dressé  face à ma convoitise. Sa  main gauche  bloqua traîtreusement mon geste et d'un ton sévère, tout en pétrissant perfidement de sa main droite mon sexe au bord de l'explosion, elle me dit :
 - Hé ! Qu'est ce que tu fais là ?
Comment auriez-vous réagi à ma place ?
 Dieu m'est témoin que je n'avais aucune intention mauvaise, juste un besoin irrépressible de lui sauter dessus et d'assouvir mes envies. Croyant à un jeu d'allumeuse dans lequel oui serait oui et non signifierait " pas chiche ", je revins à la charge et tentai fébrilement de déboucler sa ceinture, elle me repoussa, je vis rouge et voulu la reprendre dans mes bras. Après ce qui me sembla n'être que quelques secondes de lutte elle gisait au sol. Dans la confusion de  notre tendre bagarre d'amoureux elle avait sans doute glissé et sa belle tête maintenant ensanglantée avait certainement cogné contre le rocher, sur l'instant je ne compris pas comment une telle chose avait pu se produire…
Je demandai bêtement :
- ça va ?
Sans réponse je m'accroupis et collai mon oreille contre son sein gauche , son cœur capricieux ne battait plus !
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Elle était morte. Qui croirait à un accident ? on allait sans doute m'accuser de meurtre, d'agression sexuelle ou que sais-je,  en tous cas ma vie était foutue.
Après quelques instants de panique j'essayai  de raisonner rationnellement : personne ne nous avait vu ensemble, rien ne la reliait à moi. J'ignorais si elle avait évoqué notre relation fugace avec ses grands-parents mais au point où j'en étais autant me donner une chance alors, ne pouvant plus supporter de voir ses beaux yeux vides fixer le ciel j'ai traîné  son corps sublime dans l'étang.
  Peut-être penserait-on  qu'elle avait glissé, s'était assommée puis noyée, les  hypothèses  les plus simples étant les plus vraisemblables ( d'après le principe du rasoir d'Ockham  dixit notre prof de philo ) en tous cas ce n'était pas le moment de m'attendrir ni de traîner ici. Après un dernier regard en direction du solex, unique témoin heureusement muet, je partis rapidement. Pour un marathonien comme moi franchir les deux kilomètres pour rejoindre le centre du village en passant par les bois ne prit que quelques minutes.
Mes parents chez qui je vivais encore, commerçants travailleurs et prospères, ne rentraient pas avant le soir. Je passai rapidement chez moi place Saint Symphorien pour changer mes habits trempés de transpiration puis, vêtu d'un jean et d'une chemise propres, me montrai ostensiblement devant la mairie qui venait d'ouvrir.
 Le garde-champêtre Jean L… que nous nommions Jeannot Lapin vint discuter avec moi, discussion qui se termina mal comme d'habitude. Notre brave garde-champêtre se prenant un peu pour le shérif se croyait toujours obligé de sermonner interminablement tous les adolescents passant à sa portée, les soupçonnant de vols de poules, de tapage diurne, nocturne ou autres forfaits qui, en comparaison  de ceux des gamins du vingt et unième siècle les feraient passer aujourd'hui pour des saints.
Ensuite j'allai boire un sirop d'anis à l'hôtel du Nord et me mêlai aux copains entourant le juke-box.  Michaël le chef incontesté de notre bande de copains venait d'arriver et m'observait du coin de l'œil.
Quand il me dit :
- " Tu es bien beau aujourd'hui, copain Charlie, deux chemises différentes dans une même journée, tu te maries ? "  je crus qu'il avait tout compris. Je me méfiais de lui j'avais toujours l'impression qu'il savait lire en moi, il ne m'aimait pas Dieu sait pourquoi ?
 " Copain " était le mot et le concept à la mode, nous avions notre chanson fétiche " Le temps des copains ",  l'émission culte d' Europe n° 1  " Salut les copains",  Brassens chantait " Les  copains d'abord " et  Sheila affirmait à qui voulait l'entendre " Vous les copains je ne vous oublierai jamais". Pure et amère illusion, les copains occupent un très court chapitre dans le livre de notre vie,  à peine le mot " aimer " est-il écrit sur la page de notre adolescence que celle de la vieillesse où trône le mot " mort " est déjà sous nos doigts.
Depuis peu le patron des lieux, petit homme maigre à face de rat, avait construit une grande salle équipée de machines ultra modernes attirant comme des mouches les jeunes du canton : flippers, bowling et même ce jukebox qui, avalant nos quatre sous d'argent de poche, permettait d'écouter en boucle les derniers tubes américains : Le twist de Chubby Checker,  les chansons d'un certain Elvis Presley et celles d'un jeune chanteur français : Johnny Hallyday. Tous ces sons et ces danses hystériques  nous rendaient fous.
 Je restai là l'après-midi entier, mon cœur tapait très fort, le beau regard de ma princesse indienne me hantait comme celui de Dieu poursuivant Caïn dans sa fuite après le meurtre de son frère  Abel :
au fond des cieux funèbres,
Il vit un œil, tout grand ouvert dans les ténèbres,
Et qui le regardait dans l'ombre fixement.
 
La fin du poème de Victor Hugo tournait sans arrêt dans ma tête :
Quand on eut sur son front fermé le souterrain
L'œil était dans la tombe et regardait Caïn.
Allais-je moi aussi voir éternellement cet œil accusateur ?
Vers dix-neuf heures une rumeur commença à se répandre: on avait retrouvé le corps sans vie d'une jeune fille flottant dans l'étang de Roche Plage.
Les gendarmes firent les premières constatations.
L'enquête fut difficile, personne n'ayant rien vu ni rien entendu. En 1965 l' ADN étant encore à découvrir  on se perdit en conjectures. Le médecin légiste fixa approximativement  l'heure de la mort entre 15h et 17h, sa conclusion devint parole d'évangile. On envisagea, entre autres, la piste d'un meurtre mais faute d'éléments probants et de suspect après quelques semaines l'affaire fut classée dans la catégorie : accident .
Je ne fus jamais inquiété. De toutes façons à l'heure officielle de la mort je discutais avec Jeannot Lapin puis passais  l'après-midi  avec mes copains,  mon alibi était béton…
 A la rentrée des classes je partis poursuivre mes études en Angleterre puis aux States, mes parents tenant absolument à me doter d'un solide bagage intellectuel ce dont je les remercie. Ils se débrouillèrent également pour que, reconnu objecteur de conscience, je sois exempté du  service militaire.
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Aujourd'hui j'ai soixante-dix ans et je vous jure que pas un jour ne se passe sans que je ne pense à elle !
Certains soirs de lassitude
Tout en peuplant ma solitude
Des fantômes du souvenir
Je pleure les lèvres absentes
De cette belle passante
Que malgré moi j'ai fait mourir.
 
Malgré moi ? Je peux maintenant vous dire la vérité il y a prescription, presque chaque nuit depuis toutes ces années je revois la scène : fou de frustration je ramasse une grosse pierre et frappe violemment la jolie tête de ma princesse indienne puis me frotte fiévreusement contre son corps inanimé avant d'éjaculer dans mon  caleçon !
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24 Décembre 2018.
 Pour la première fois depuis si longtemps, contacté par l'intermédiaire des réseaux sociaux, je suis  revenu à Morestel à l'occasion d'un banquet organisé par les copains nés comme moi en l'an de grâce 1948  pour fêter  nos 70 ans.
A l'époque on ne disait pas " l'année " mais  " la classe 1948 " et les gens de la classe étaient des "conscrits" !
J'espérais que cela se passerait bien, j'étais un peu angoissé à l'idée de revenir ici et croiser le regard de Michaël mais après tout je ne lui devais rien et peut-être cela m'aurait-il permis d'exorciser certains dém …
 
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 Deuxième partie : la voyageuse du temps
 
Morestel ( Isère ) 31 décembre 2018.
Récit de Michaël
Je suis à la retraite depuis onze ans.
" Ô vie heureuse des bourgeois qu'avril bourgeonne
ou que décembre gèle ils vont fiers et contents "
 Les actifs m'envient de couler des jours heureux comme  on dit dans les mauvais livres, en réalité je m'ennuie souvent et regarde avec horreur mon visage se rider un peu plus chaque jour, je hais ce miroir qui ne sait pas mentir. Heureusement mon cerveau fonctionne bien !
Il est important que vous le sachiez :  mon esprit est lucide.  J'insiste sur ce fait car je vais vous raconter une histoire incroyable,  je n'ai jamais parlé de cette rencontre à personne on m'aurait pris pour un fou, moi-même n'ai pas tout compris.  Si l'enveloppe et les documents n'étaient pas devant moi je croirais avoir rêvé.
 
Août 1966.
Ma vie a basculé l'année de mes dix-huit ans.
J'habitais alors près de l'église dans une ancienne maison de maître dauphinoise  transformée  en  vieux appartements inconfortables accessibles par un hall commun ouvert à tous les vents.
   A cette époque c'était "marche ou crève" pour les ouvriers : notre père, chauffeur de poids lourds étant victime d'un grave accident du travail l'ayant conduit en hôpital psychiatrique, dès le lendemain son patron nous expulsa du logement mis à notre disposition.
 La mairie compatissante nous loua à bas prix trois pièces insalubres, ma mère et mon petit frère occupaient deux pièces vétustes infestées de cafards au rez de chaussée, mes ainés (ées) étant partis vivre leur vie j'avais accaparé la chambre au premier étage et pouvait enfin profiter de mon indépendance toute neuve.
 A cette époque les amis étant de vrais humains en chair et en os on ne les likait pas on les aimait,  aussi après le repas de midi j'empruntai la rue Auguste Ravier pour rejoindre mon pote Jacky L. quand je me retrouvai face à une femme d'une quarantaine d'années  surgie de nulle part…
 
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Je ne l'avais pas vu arriver.
Il faut dire qu'une image obsédait mon esprit et cannibalisait mon  attention, je fantasmais sur la jolie blonde rencontrée avant-hier vers Iselet, le petit étang où toute la jeunesse du canton se retrouvait pour se baigner et plus si affinités. Attiré irrésistiblement par son beau corps svelte " couvert " de rares centimètres carrés de tissu, sa quasi nudité paraissant offerte aux passants comme au soleil  je m'étais approché timidement et nous avions échangé quelques mots. 
Originaire de Lyon et âgée de 19 ans elle se plaignit, en s'étirant langoureusement, de la monotonie de ses vacances campagnardes.
Elle frissonna un peu en apprenant ce qui s'était passé près d'ici l'année précédente. Une jeune parisienne en vacances s'était noyée, toute seule  prétendait-on, dans un autre étang proche nommé Roche plage. Cette histoire bizarre n'avait jamais été vraiment résolue, la victime portait une plaie à la tête mais l'affaire fut classée malgré des rumeurs persistantes de meurtre. Un temps j'eus un doute, ce jour là notre copain Charlie avait une attitude bizarre et vers 14h il n'arborait pas les mêmes vêtements que ceux qu'il portait le matin. Ce fait me parut curieux, souvent il restait plusieurs jours sans se laver ni se changer, là il était propre comme un jeune marié mais je fus bien obligé de me rendre à l'évidence, à l'heure de l'évènement il écoutait Johnny et dansait le twist  avec nous près du juke-box il était donc insoupçonnable. Dommage, j'ai toujours détesté  Charlie. Trop beau, yeux verts, musclé, sportif accompli, blond, il représentait tout ce que je ne suis pas et, sans vouloir tomber dans le cliché ni faire offense aux autres beaux blonds musclés, je le considérais comme particulièrement bête. En plus il pouvait se payer tout ce qu'il voulait grâce à la richesse de ses parents !
 Bref, cette fille de la ville m'impressionnait, alors malgré mon envie irrépressible de la caresser je m'étais borné à discuter, grand échalas mal à l'aise dans ma peau je ne pouvais raisonnablement espérer plaire à une telle beauté. Nous avons parlé de tout et de rien, elle logeait encore quelques jours chez ses grands-parents dans une ferme  près d'ici. Après avoir expliqué où j'habitais et m'être vanté d'être guitariste, ce qui alluma me semble-t-il quelque lueur d'intérêt dans son beau regard, je la quittai à regret ne sachant plus quoi dire, déjà malheureux et désespéré. Jamais je n'avais vu ni ne reverrai de tels yeux bleu-marine déplorai-je…
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Surgie de nulle part donc la femme d'une quarantaine d'années recula précipitamment pour m'éviter. Poliment je m'excusai et la saluai :
- Bonjour Madame.
Vous n'allez pas me croire, elle m'a répondu :
- Bonjour grand-père
Je me suis retourné pour voir  à qui elle s'adressait, il n'y avait personne, nous étions seuls tous les deux !
Elle a répété :
- Bonjour grand- père, je suis ta petite fille Valentine.
En riant j'ai objecté :
- Vous devez vous tromper, il y a bien une Valentine dans la famille mais c'est ma mère et comment serais-je votre aïeul ( en ce temps-là on appelait un chat un chat et un grand-père un aïeul) vous avez au moins vingt ans de plus que moi  ce qui altère singulièrement la crédibilité de votre présentation.
Je parlais un français châtié très dix-huitième siècle, j'espère que vous apprécierez. J'ai toujours aimé le beau langage, aujourd'hui en m'exprimant ainsi je ne serais certainement pas compris par  les intellectuels de la Téléréalité qui communiquent plutôt par cris, onomatopées, gestes, flatulences verbales, pets et rots sonores confirmant ainsi la théorie de l'évolution :                       l'homme descend …des bières en grande quantité ! Darwin me pardonnera mais je ne voudrais pas me fâcher avec les singes en évoquant  une parenté qui leur semblerait désobligeante, le simiesque est souvent soupe au lait !
Ce qu'elle m'a affirmé défiait l'entendement.
-  Je viens de l'année 2050 et j'ai 33 ans.
 Bon, me suis-je dis, encore une enfant de la chimère, une assoiffée d'Azur, en un mot une folle.
La gent féminine me paraissait déjà être une race bizarre, je commençais à me douter que le fonctionnement des femmes, venant de Vénus, resterait toujours un mystère pour moi mâle primaire et grossier en provenance de Mars, pour le moment la seule chose que j'avais compris des filles côtoyées était que je n'y comprenais rien. Celle-ci méritait la palme de la bizarrerie et  confirma mes inquiétudes par ce discours hallucinant :
- Papy,  je suis venue du futur pour éviter une catastrophe, avant-hier tu as rencontré une blonde, ce soir elle te rejoindra dans ta chambre et te demandera de la raccompagner. En chemin elle voudra faire  l'amour avec toi, il ne faudra surtout pas céder à ses avances.
Mon interlocutrice, sans doute une familière de la belle Lyonnaise,  veut l'empêcher de faire des bêtises, mais quelle curieuse manière de présenter les choses, ai-je pensé !
- Pourquoi ne devrais-je pas céder, c'est plutôt une bonne nouvelle ?
 Apprendre que la blonde put ainsi me désirer était extraordinaire et pour tout dire inespéré. J'étais déjà très excité.
- Tu ne la reverras jamais mais le problème n'est pas là. Suite à votre coucherie  elle accouchera d'une fille qui sera la grand-mère d'une future Hitler en jupons qui déclenchera en 2050 une troisième guerre mondiale qui fera plus d'un milliard de victimes.  ( Cela faisait beaucoup de "qui" dans une même phrase, mais peut-être parlait-on comme cela dans son futur imaginaire )
Je ne sais pas si vous avez déjà observé ce fait : les jolies passions des uns sont toujours de laides coucheries pour ceux qui ne sont pas concernés ou conviés à la fête.
 En 1966 les séries Terminator, Retour vers le futur et autres Hollywooderies n'existaient pas et  n'avaient donc pas préparé les esprits à de tels scénarios.  Je restais silencieux, qu'aurais-je pu dire, il est inutile de contrarier les gens dérangés. Elle a poursuivi:
- Il y a six mois tu as rencontré la vraie femme de ta vie, J…ma grand-mère, tu lui as promis  amour éternel et fidélité. Tu l'épouseras dans trois ans, vous aurez trois enfants, deux fils et une fille. Je suis la fille de ton deuxième fils, donc ta petite-fille
Ben tiens donc, c'est trop facile ! Il est peu risqué de faire des prophéties puisque concernant l'avenir nul ne pouvait  juger de la véracité de ses prédictions. Elle a précisé :
- Mes parents m'ont appelé Valentine en hommage à ta mère trop tôt disparue.
Là elle exagérait. Pour fixer des limites à ses élucubrations et souligner la gravité de son délire j'ai appelé ma mère pour  montrer qu'elle était bien vivante :
- Maman, viens voir.
Elle n'a pas répondu, sans doute déjà partie faire sa promenade digestive journalière.
- Ne la cherche pas,  elle a rejoint discrètement son amoureux Maurice M… Il la rend heureuse, pour cela tu ne le hais pas contrairement à tes frères et sœurs plus âgés, ce dont je te félicite !
Elle a rajouté alors une phrase que je n'ai jamais oubliée, j'en eus la chair de poule :
- Tu te souviens de la  Parisienne noyée l'an dernier ? Tes intuitions ne t'ont pas trompé, c'est ton copain Charlie qui l'a tuée. Je vais te laisser sa confession, tu la liras.
Que cette femme puisse connaître tous ces éléments intimes m'a déstabilisé,  je lui ai demandé en passant au tutoiement :
- Par quel miracle as-tu appris de tels détails de notre vie?
- J'ai trouvé après ta mort le journal intime que tu commenceras à écrire dans quelques jours, je l'ai lu et trouvé le récit de ton copain daté de 2018  que tu avais recopié.
Evoquer ma mort m'a perturbé, un trouble m'a envahi, et si elle disait vrai ? Je commençais à croire à son histoire, en la regardant mieux il me sembla même discerner une petite ressemblance avec ma mère et, argument décisif pour moi toujours prompt à m'enflammer face à un joli minois, malgré son physique plaisant elle ne m'attirait pas, mon inconscient ayant sans doute déjà détecté une potentialité d'inceste.
 Saisi d'un vertige je me suis rapproché sans le vouloir, elle a reculé de deux pas, affolée :
- N'approche pas et surtout ne me touche pas, les voyages dans le temps sont extrêmement dangereux et je dispose de peu de temps.
- Pourquoi sont-ils dangereux?
- Le voyage spatio-temporel nécessite une énergie gigantesque pour projeter d'abord un hologramme 3D avec le schéma d'intrication puis décomposer tous les atomes intriqués du corps avant de les recomposer de façon cohérente. Si tu me touches, la force colossale qui me permet brièvement d'être apparente à tes yeux te  foudroiera et si tu meurs avant d'avoir conçu mon père, je n'existerai pas dans le futur.
Hologramme 3D, schéma d'intrication, atomes intriqués cohérents, n'existerai pas dans le futur, quelle langue parle-t-elle ? J'ai tenté de la raisonner :
- Si tu n'existes pas dans le futur tu ne pourras pas voyager dans le temps et me foudroyer, comme je ne mourrai pas je pourrai épouser ta grand-mère nous concevrons ton père et tu pourras exister dans le futur, tu pourras alors voyager dans le temps et si je te touche je serai foudroyé et tu ne pourras pas exister donc voyager , comme tu ne pourras pas voyager je ne mourrai pas donc tu……
Ma tête tournait, quelque chose clochait dans mon raisonnement en forme de cercle infernal, non ?
Elle m'a répondu:
- Ne cherche pas à comprendre, ce que tu décris est un phénomène bien connu  que l'on appelle en 2050 : le paradoxe du grand-père. La moindre manipulation du passé peut entrainer une catastrophe, c'est pourquoi il faut une autorisation spéciale du comité et une raison impérieuse pour prendre le risque de voyager dans le temps. De plus un individu  ne peut faire qu'un seul court voyage temporel dans sa vie sous peine de ruiner définitivement sa santé .
Elle a posé une enveloppe et quelques feuilles de papiers sur le trottoir.
- Dans cinquante et un ans, en 2017, deux mois après ma naissance ton deuxième fils, mon père, rencontrera le professeur Laurent Alexandre. Ensemble ils  mettront au point un algorithme d'Intelligence Artificielle forte qui permettra aux humains de faire le bond évolutif le plus important de tous les temps et révolutionnera le futur. Malheureusement leur algorithme aura une faille qui permettra à des hackers mal intentionnés d'inciter notre nouvelle civilisation six point zéro, à prendre des décisions abominablement racistes.
Civilisation six point zéro, hackers, bon d'accord quelle folie est-ce encore ? I don't understand.
 - Cette enveloppe renferme la réparation de la séquence fautive et un message important à l'intention de mon père, il faudra la lui remettre le jour de Noël 2017. Surtout ne cherche jamais à l'ouvrir avant cette date, par contre tu pourras lire tout de suite la copie de ton journal intime concernant la confession et la triste fin de ton copain Charlie.  Bien que les choses inertes venues du futur soient sans danger  attends deux minutes avant de les toucher, le temps  que les atomes se stabilisent définitivement. Maintenant il faut que je parte, on se reverra en 2017 lorsque je serai bébé.
 Il y avait au moins un élément très  rassurant dans son discours: ma certitude d'être encore vivant en 2017 et même en 2018.
- Et souviens-toi, ce soir tu ne couches pas avec la blonde ! Tiens tes promesses, soit fidèle à ma future grand-mère pour une fois si ce n'est pas trop te demander.
En plus elle me donnait des leçons de vertu !
La seconde après elle n'était plus là, disparue en un éclair. Je m'en voulais de m'être vraiment conduit comme un gros nul, au lieu de perdre mon temps à douter  j'aurais pu lui poser des tas de questions: quand et comment vais-je mourir, quels seront les numéros gagnants du tiercé de dimanche prochain etc…et surtout la signification du mot "hackers"!
Mon copain Jacky était à sa fenêtre:
- Tu parles tout seul maintenant ?
- Non je discutais avec ma…
J'ai faillis dire" ma petite fille" mais comment aurait-il pu comprendre. Heureusement son attention a été distraite par un détail :
- Tu as fait tomber une enveloppe et des papiers.
Les deux minutes requises étant écoulées je les ai ramassés. Au dos de l'enveloppe cachetée figurait l'empreinte d' un tampon bleu comportant une adresse bizarre avec mon identité et un signe inconnu : @, suivi du nom d'une couleur, orange, se terminant par .fr ,  sans doute un code secret.
 Le soir dans ma  chambrette, après avoir lu les  documents autorisés je les rangeai dans un tiroir près de l'enveloppe cachetée. Grâce à eux et pour ne pas faire mentir Valentine la décision de commencer à écrire un journal intime s'est imposée à mon esprit.
 Je ruminais mes frustrations en grattant mélancoliquement les cordes de  ma guitare  quand  des pas résonnèrent dans l'escalier puis quelqu'un toqua  discrètement à la porte. La blonde au regard bleu-marine était là,  émouvante de grâce et de beauté. Elle me supplia de lui jouer             " jeux interdits", le grand succès  du moment. Elle ferma ses beaux yeux pour mieux apprécier ma musique puis sur son insistance je l'ai raccompagnée comme prédit par Valentine.
La nuit était chaude, dès la sortie du village elle s'est collée à moi. Les jeux interdits attirent irrésistiblement les ados, à dix-huit ans le cœur  se pose ou l'œil se pose et le sexe se raidit au premier courant d'air. Le mien, vaillant petit soldat, ne s'est pas fait prier pour manifester son désir de monter à l'assaut, vous pensez bien que je n'allais pas laisser passer une telle occasion.
 J'ai soulevé sa jupe en signe d'allégeance à son enchanteresse séduction, nous nous sommes allongés dans l'herbe sous un arbre. C'était une nuit sans lune les étoiles diffusaient une douce lumière tamisée propice aux coquineries, les grillons chantaient pour accompagner notre idylle.
 Je n'avais pas encore appris que les hommes doivent respecter tout un rituel préalable de soumission, un tour de chauffe appelé préliminaires, déclencheur des émotions indispensables à l'abandon des femmes maîtresses des aiguilles de l'horloge du cœur. Ne visant pas si haut, j'avoue à ma grande confusion que sans me conformer au prélude coutumier et avant d'en avoir reçu le feu vert je tentai de baisser sa mignonne culotte arachnéenne, dernier rempart dressé par sa pudeur (que je supposais virginale ) face à mon impatience.
 Elle a bloqué mon geste en serrant les genoux et  m'a dit d'un ton sévère :
 - Qu'est ce que tu fais là ?
 puis elle m'a laissé faire, les filles sont comme ça.
 La mise en garde de Valentine  résonna dans ma tête :
- Ce soir tu ne couches pas avec la blonde, tiens tes promesses, soit fidèle pour une fois à ma future grand-mère si ce n'est pas trop te demander !
Les promesses n'engagent que celles et ceux  qui les écoutent dit-on, je ne me sentais donc pas particulièrement tenu de respecter les miennes et me suis auto-pardonné en me justifiant intérieurement, comme si elle avait pu m'entendre :
- Si je me marie avec ta grand-mère je serai d'une fidélité absolue mais  pour le moment j'ai d'autres projets et ne t'inquiètes pas,  je ferai attention à ce que  le fruit de mes amours ne déclenche pas la troisième guerre mondiale.
Je dois vous dire qu'en 1966 la libération sexuelle de mai 68 étant encore dans les limbes de l'Histoire engrosser une fille hors mariage n'était pas recommandé ni très fair-play. Certains imbéciles jetaient encore des pierres aux filles-mère.
 La pilule n'était pas autorisée en France et depuis longtemps mes potes et moi avions renoncé à acheter  des préservatifs. Chers, ils étaient vendus uniquement par la pharmacienne, vieille taupe qui se croyait intelligente de nous faire la honte en insistant lourdement d'un ton emphatique et réprobateur devant l'ensemble de la clientèle hilare et désapprobatrice :
- Vous voulez acheter des préservatifs, pourquoi ?
La réponse me semblait pourtant contenue dans la question.
De plus à cette époque proposer à une femme de revêtir une " capote " était ressenti comme une insulte, comme si on l' avait traitée de " sale ", " putain " ou soupçonnée d'être atteinte d'une affection honteuse. J'avais vaguement entendu parler des MST appelées alors maladies vénériennes mais nos solides filles de la campagne en étant exemptes je ne me sentais pas concerné. Incommodités généralement bénignes elles mettaient,  parait-il, rarement l'existence en péril.
Face à ce dilemme, comme la majorité des hommes en ces temps farouches j'avais opté lors de mes premières étreintes champêtres pour la technique artisanale du " saut en marche" , en latin " coitus interruptus", pratique contraceptive d'une efficacité relative et douteuse,  réprouvée par les dévots de toutes obédiences toujours prompts à se mêler des histoires de fesses qui ne les regardent pas. Ces représentants terrestres du grand Manitou n'ont généralement pas de sympathie pour les plaisirs qui leur sont refusés et les vices qu'ils ne peuvent pas assouvir.
 La blonde a fini par écarter ses genoux, tacite encouragement,  signal non équivoque de reddition de la place. La capitulation de la forteresse sonna le début des réjouissances, alors en disant " merde aux générations futures"  fébrilement je l'ai pénétrée, mon dieu que c'était bon.
Après quelques instants de pur bonheur que j'aurais souhaités éternels,  il fallut bien que les corps exultent. N'y tenant plus et ne voulant tout de même  pas être responsable de la mort d'un milliard d'humains j'ai sauté en marche et inondé ses cuisses. Frustrée elle m'en voulut beaucoup sur l'instant puis après avoir repris ses esprits, me remercia de lui avoir évité, ou tout au moins essayé de prévenir  des conséquences non désirées.
 Je ne la revis jamais, il est des jours où Cupidon s'en fout.
Un peu plus tard les suites de cette affaire furent, en ce qui me concerne, l'apparition de quelques brûlures désagréables en faisant pipi, symptômes d'une banale chaude pelisse ou chaude piste naissante nécessitant  la prise d'antibiotiques durant huit jours pour éliminer les impertinents gonocoques s'étant traitreusement invités à la fête. Petit  prix pour un si grand plaisir.
J'appris en cette occasion un nouveau théorème qui ne devait rien à Pythagore ni à Thalès :
- la pudeur des filles n'est pas toujours virginale, ni garante d'un déduit  sans danger. ( déduit étant un vieux mot français beaucoup plus beau que son horrible homonyme : coït )
Après coup (expression bien appropriée) je me sentis quand même un peu coupable de traîtrise envers ma future femme, montrant ainsi un bon fond ( tout au fond ) d'honnêteté émotionnelle.
Trois ans plus tard je me mariai avec J…, nous eûmes deux garçons et une fille. Charlie avait quitté la région et les luttes dans la vie de tous les jours pour assurer le bien-être de ma famille mirent provisoirement en hibernation le souvenir de la Parisienne.
Les années 70, 80, 90 moururent, en juillet 1999 nous attendîmes en vain le grand roi d'effrayeur promis par Nostradamus le vieux farceur,  le passage à l'an 2000 fut gâché par une énorme tempête,  l'enveloppe était toujours dans un tiroir. Pour ne pas la confondre et ne pas risquer de la détruire par erreur j'avais apposé à son dos mon tampon comportant mon adresse mail se terminant par @orange.fr. Chaque année le jour de Noël je la sortais pour vérifier son état, que pouvait-elle bien contenir de si précieux ?
 " Réparation de la séquence fautive et message important à l'intention de mon père, ton fils " avait dit la voyageuse du futur, je présumais alors qu'elle renfermait un document rempli d'équations compliquées et incompréhensibles pour le commun des mortels. J'essayais bien d'en apercevoir le contenu par transparence, en vain.
En mars 2017 mon deuxième fils, Aurélien, génie du numérique devint papa d'une petite fille  prénommée Valentine, comme ma maman disparue en 1975, bien trop tôt .
J'adorais  ce petit ange, elle souriait constamment comme ma mère, sa bisaïeule.
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Troisième partie : l'Atro - cité
 
 Los Angeles. 27 mars 2050.
Récit de Valentine
Demain j'ai 33 ans et je me marie avec Elty Musk le fils du milliardaire Elon Musk, concepteur des premières voitures autonomes électriques Tesla et organisateur de la seule tentative de colonisation de la planète Mars.
 Tentative ayant tourné au désastre, bloqués sept mois dans leur abri par une tempête de poussière titanesque les astronautes ont perdu la raison et se sont entretués, ce qui a refroidi provisoirement les adeptes de vacances martiennes. Les hommes sont fous, ils dépensent des sommes astronomiques pour rendre habitable un monde qui ne le sera jamais, ces financements seraient mieux employés à embellir notre belle planète miracle, sans doute seul refuge de notre race pour encore bien des millénaires dans l'immensité hostile du cosmos.
 Elon est également l'inventeur du voyage dans le temps.
J'aime beaucoup mon futur mari, il est très beau et richissime. Il se fait appeler Elty mais son vrai prénom est Electron, cadeau empoisonné de son père obsédé par la physique des particules.
 
Dans une première version du passé, papy s'étant abandonné à ses plaisirs sans précautions la blondasse de passage  accoucha d'une fille en avril 1967. Suite à un concours de circonstances trop long à expliquer ici une de ses descendantes, Sophie,  surdouée en mathématiques, se retrouva dans l'équipe de mon père et du professeur Alexandre.
 Très courtisé par Sophie, belle petite salope,  Elty était sur le point de succomber au charme de ses grands yeux bleu-marine alors je suis passée à l'attaque et employé les grands moyens.
 Comme il fallait absolument que quelqu'un se rende dans le passé pour réparer la séquence fautive de l'algorithme monstrueux créé par mon père, je me suis portée volontaire à condition de pouvoir organiser ce dangereux voyage à ma guise. Le technicien m'a expédiée à la date que j'avais choisie en 1966, là j'ai raconté quelques salades à papy, lui faisant croire que sa descendante serait à l'origine de la troisième guerre mondiale. Il a sans doute cru a mon histoire, je ne sais pas encore ce qui s'est passé mais Sophie n'est pas née, bon débarras, et faute de rivale demain je me marie avec Elty.
Les voyages temporels, comme toutes les inventions de mon beau-père Elon, ne sont pas fiables à  100%, il faut absolument respecter quelques règles de sécurité :
- Le voyageur ne doit en  en aucun cas se rencontrer dans le passé ou le futur sous peine de destruction immédiate, mon père ne peut donc pas réparer lui-même son algorithme, de toute façon à 70 ans sa santé est trop fragile pour supporter le traumatisme du saut spatio-temporel.
 - Lors d'un voyage dans le temps on ne peut intervenir qu'une seule fois dans le cours des choses. Il fallait que je choisisse entre modifier l'algorithme ou tuer Sophie dans l'œuf ! mon choix était vite fait,  et comme à mon retour mon intervention a impacté le présent personne ne peut me reprocher quoi que ce soit puisque je suis la seule à connaître et me souvenir de l'objet de ma mission et de l'ancien présent qui n'a jamais existé, sauf pour moi ! C'est un peu compliqué à comprendre pour les gens nés au 20è siècle mais c'est comme ça et je n'y peux rien.
La puce greffée dans nos cerveaux nous confère, grâce à l'algorithme magique une intelligence extraordinaire et nous permet de réaliser plusieurs milliards d'opération à la seconde, par contre elle nous incite fortement à rejeter de notre société interactive six  point zéro certains humains considérés comme des parasites. Le jour de son vingtième anniversaire chacun de nous subit une ultime évaluation, les personnes ayant un QI inférieur à 105 sont chassés hors de nos villes. Moi j'ai été calibrée à 115 grâce à un petit coup de pouce de mon père.
 Nous avions bien retenu cette vieille leçon de l'histoire : en tolérant qu'on maltraite l'étranger on finit par déclarer étranger celui qu'on voudrait pouvoir maltraiter. Considérés comme faisant partie  d'une race inférieure ces sous-hommes errent dans nos banlieues et faubourgs, mangent en fouillant les poubelles, abandonnés de tous et même de la médecine on les appelle les SDF, les Sans Dents Fantômes. Pour nous ils sont  des animaux, des battues sportives sont même organisées une fois par an  pour réduire leur nombre et éviter qu'ils s'organisent en une société pré-humaine primitive consommatrice de ressources. Leur espérance de vie est ainsi considérablement réduite par rapport à la nôtre.
 Maintenant on ne peut plus changer cette atrocité qu'un humoriste à la mode a renommé  Atro - cité  pour dénoncer  ce qu'il considère être la honte de notre civilisation six point zéro .    Pour lui nos villes sont les cités des âmes sombres et des cœurs sinistres. ( Atro étant un mot italien  pouvant signifier obscur,  sinistre, dans certains contextes).
On ne sait pas débrancher l'intelligence artificielle, on ne la trouve nulle part car elle est partout. Moi je trouve que c'est très bien comme ça, je n'ai jamais eu l'intention de réparer l'algorithme, on est forcément plus heureux quand on peut mesurer son bonheur à l'étendue du malheur des autres, non ? L'intelligence humaine n'est pas encore infinie mais notre méchanceté l'est depuis la nuit des temps,  personne ne trouvera jamais la formule capable d'éradiquer la monstruosité inhérente à notre race,  garante de notre survie face à la sélection naturelle.
Avant de partir pour 1966 comme je suis terriblement curieuse j'ai lu attentivement le journal intime retrouvé après la mort de grand-père Michaël. Il a quand même  vécu jusqu'à  92 ans, c'était un sacré gaillard et avait beaucoup à se faire pardonner, je ne suis même pas sûre qu'il ait vraiment tout écrit de ses aventures ni dit toute la vérité. C'est dans ses mémoires que j'ai eu accès à la confession de son copain qu'il avait recopiée : le 24 décembre 2018 un certain Charlie s'est pendu en laissant une lettre s'accusant du meurtre d'une jeune fille. Il prétend plus ou moins  avoir agi sous le coup d'une folie passagère, enfin c'est ce que j'ai cru comprendre ! J'avoue qu'en remettant ces papiers à Papy Mike avant que son copain ne les ait écrits j'ai un peu dérogé à la règle d'une seule intervention dans le passé mais cela ne pouvait pas avoir de conséquence. Péché véniel sans conteste mais il fallait bien que je crédibilise le fait que je vienne du futur.
 Petit plaisir supplémentaire, avec l'enveloppe mystérieuse remise à mon aïeul comme il se définissait lui-même, bien que bébé de quelques mois je me suis payé le luxe de souhaiter un joyeux noël 2017 à ma famille, Papy a dû passer pour un joyeux farceur aux yeux de tous…
 
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Quatrième partie : la vengeance
Michaël                                                                                                                                              
Noël 2017. Le cœur battant, après 51 ans d'attente je vais enfin savoir,  je remets l'enveloppe à son destinataire en insistant devant toute la famille réunie sur l'importance du message et  la solennité du jour.
- Vous allez assister à un évènement unique dans l'Histoire, assurai-je avec orgueil.
Ce n'est pas tous les jours qu'une postérité adresse un avertissement écrit à ses ascendants, je crois même que c'est la première fois dans toute l'aventure humaine :
 Nostradamus s'était  borné à laisser à ses descendants des quatrains incompréhensibles se référant à un passé obscur interprétés après coup par les crédules comme des prédictions imparables  et les nombreux livres sacrés des religieux ne savaient  prophétiser que malheurs, famines, tremblements de terre, guerres, antechrist, interdictions et obligations pour pourrir la courte existence de leurs contemporains et celle des générations suivantes pour les siècles des siècles !
 Aurélien ouvre l'enveloppe, je retiens mon souffle, il lit, surpris il m'interroge du regard, sourit et m'embrasse. Pas du tout impressionné il semble un peu déçu, vous allez comprendre pourquoi.
L'enveloppe contient un papier sur lequel est écrit simplement :
" Joyeux Noël 2017. Valentine ".
Je retourne fébrilement le papier et l'enveloppe, à part ces quatre mots il n'y a rien, alors là je ne comprends plus. J'enfourne le tout dans ma poche pour un examen approfondi ultérieur, en attendant je passe aux yeux de tous pour un vieux gâteux ou un mauvais plaisant.
A la fin du repas, après les bûches, une glacée l'autre pâtissière, mon fils réclame le silence et  dit :
- J'ai une grande nouvelle à vous annoncer, j'ai rencontré le professeur Laurent Alexandre, gourou de l'Intelligence Artificielle, nous nous installons avec nos familles à Los Angeles pour travailler à  la mise au point d'un algorithme susceptible de modifier à tout jamais le processus évolutif cognitif de la race humaine. Nos travaux seront financés par Elon Musk, un jeune milliardaire américain.
Tout le monde l'a félicité sans toujours avoir vraiment compris ce dont il s'agissait.
Il s'est tourné vers moi, me voyant songeur il m'a demandé:
- Tu n'es pas fier de ton fils, papa ?
- Si, mais prends garde à ce que ton algorithme n'ait pas de failles de sécurité qui permettraient à des hackers mal intentionnés  de le rendre catastrophiquement raciste !
Il est resté bouche bée à l'énoncé de la réflexion de son vieux ronchon de  père, pas si gâteux qu'il n'y paraissait.
Voyageuse du futur venue bousculer mon passé,  solidement ancrée maintenant dans le présent Valentine gazouillait et souriait dans son berceau.
 Si j'ai bien compris sa mystification, sous prétexte de réparer une abomination du futur elle souhaitait surtout que j'évite de coucher avec la Lyonnaise. Pourquoi était-elle aussi obsédée  par mon éventuelle descendante ? Pour éviter la troisième guerre mondiale ?  je n'en crois pas un mot ! Depuis 1966 où elle m'avait vraiment pris pour un lapin de trois semaines, ce que j'étais sans doute,  j'ai bien muri croyez-moi ! Maintenant je connais bien l'esprit féminin et j'ai une petite idée sur ses motivations. Qu'elles nous arrivent du Passé, du  Présent ou du  Futur les femmes ne changeront donc jamais !
Je me suis approché et ai murmuré :
- Tu es quand même gonflée mais je te pardonne. J'écrase le coup pour la pseudo réparation de l'algorithme et toi tu ne parles jamais de la blonde  à ta grand-mère. Ok ?
Il m'a semblé qu'elle me faisait un clin d'œil complice, sûrement une illusion.
 
Ce jour-là, me remémorer notre rencontre de 1966 me rappela un vieux contentieux à régler avant de mourir…
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 Morestel le 24 décembre 2018.
Moi je n'oublie jamais rien, à l'horloge du temps l'heure de solder les comptes avait sonné. Chaque heure blesse la dernière tue !
Avec quelques copains nés comme moi en 1948, appelés à l'époque des " conscrits ",  nous avons organisé un banquet pour fêter ensemble nos 70 ans.
Retrouvés et réunis grâce aux réseaux sociaux, une vingtaine de survivants de " la classe 48 ", femmes et hommes, étaient assis autour de la longue table fleurie dans la salle du nouveau restaurant de Roche Plage, ouvert depuis peu.
Il y avait là, entre autres : Danielle, Claude, Gisèle, Marie-France, Françoise, Joël, Henri surnommé Riquet, Raymond, Jean Paul, Serge surnommé Zizou, Gérard, Jacky et… Charlie.
Ils étaient  tous vieux,  ridés, abimés par la vie,  moi je n'avais pas changé hé hé !
Depuis mon adolescence j'ai toujours été meneur d'homme et chef de bande, des amis à moi qui ne savent rien me refuser attendaient patiemment dehors.
Nous avons tous beaucoup bu, surtout Charlie, il ne semblait pas très à l'aise. Le bel adolescent blond frisé  mince et musclé s'était transformé en un vieillard  à la calvitie prononcée et à l'embonpoint proéminent mais malgré ses grands airs d'Américain et son splendide 4 x 4 garé devant le restaurant, marqueur de sa réussite sociale,  il était toujours aussi bête. Se jeter ainsi dans la gueule du loup ne plaidait certes pas en faveur d'un discernement extraordinaire.
 J'allais enfin pouvoir " me le faire " sans risque. Après le café et les digestifs je me suis approché et lui ai glissé dans l'oreille :
- Elle était bonne la Parisienne que tu as noyée en 1965 ?
Propos loin du langage dix-huitième siècle que j'affectionne, j'en conviens, mais il faut bien s'adapter  aux circonstances et à ses interlocuteurs.
Il a éclaté en sanglots puis est sorti de la salle.
J'ai rassuré les copains en mettant l'incident sur le compte de la boisson :
- Il est complètement saoul et a besoin de prendre l'air.
Le soir, des amoureux se promenant dans les communaux le trouvèrent pendu  à une branche d'un grand chêne surplombant l'étang,  à l'endroit exact où le corps d'une jeune femme noyée avait été retrouvé en 1965.
Mes amis qui ne savaient rien me refuser me remirent la confession rédigée de la main de Charlie comportant tous les détails de l'histoire, j'étais curieux de savoir comment il avait vécu le drame. Ils avaient été obligés de le bousculer un peu pour le convaincre d'écrire la vérité mais il a fini par céder à leur amicale sollicitation.  Comme il regimbait un peu sur la fin et menaçait de déchirer ses écrits ils ont retiré le papier brutalement de ses mains, ce qui explique que son dernier mot soit inachevé.
C'est amusant, il décrit sa rencontre avec la Parisienne comme je décris ma rencontre avec la blonde, nous avions à l'époque  les mêmes doutes d'adolescent sur notre capacité à séduire mais mon aventure s'était mieux terminée que la sienne.
C'est bête qu'il se soit suicidé ainsi, il y a bien longtemps que cette affaire était prescrite. Je n'exagérais pas quand je vous disais qu'il n'était pas très futé.
Certains murmurent qu'il ne s'est pas pendu tout seul, les gens racontent vraiment n'importe quoi ! Il est vrai que l'on s'est toujours demandé d'où venait la corde, les communaux de Morestel ont toujours été des endroits plein de  mystères hé hé … J'ai toutefois un petit regret, la scène aurait eu plus de panache s'il s'était pendu par les pieds, dissimulant ainsi sa tête d'abruti meurtrier dans l'eau, mais c'eût été louche,  son physique ne se prêtant pas à de telles contorsions !
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Ah, j'allais oublié de vous dire, en réalité la " Parisienne " titre dont se glorifiait un peu  la pauvre fille qui se prénommait Natalia, n'habitait Paris que depuis quelques semaines. C'était une gentille fille rapatriée d'Algérie fin 1962, une " pieds-noirs " comme on disait à l'époque, elle avait vécu deux ans en Auvergne près de Bort les Orgues.
Elle était sublime et me plaisait vraiment. Amoureux  en secret, j'avais tenté de flirter un peu avec elle quelques jours avant sa mort, sans succès.
 Natalia réservait, disait-elle, son corps, sa belle âme et son cœur fidèle pour un hypothétique et chanceux époux. Au début je ne lui en avais pas tenu rigueur, les filles venant d'Algérie ayant la réputation d'être plus sérieuses que les autres j'envisageais naïvement de demander à son grand-père l'autorisation de la fréquenter en vue d'un mariage, seule manière pour moi de la conquérir.  Découvrir qu'elle ait pu préférer Charlie à moi ( les filles ont toujours privilégié la beauté plutôt que l'intelligence chez les hommes, souvent pour leur plus grand malheur) et lui permettre de  poser  ses mains dégoûtantes sur son joli corps me rendit fou. 
Je connaissais bien ses grands-parents de la cité Logirel. Le chagrin et la culpabilité les avaient tués, alors vous allez penser que je suis rancunier mais il me semble que j'avais  au moins trois personnes (sans compter les ascendants et collatéraux que je ne connaissais pas) à venger, et de nombreuses raisons personnelles d'appliquer la punition, non ?
 La vengeance, comme les crimes contre l'humanité, est imprescriptible !
 
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 Cinquième partie : la vérité vraie

 
 Mon journal intime servant surtout à me donner le beau rôle en toutes choses car  destiné à être découvert après ma mort, maintenant puisqu'on est entre nous je vais vous dire la vérité, la vraie, l'authentique, celle que je n'ai jamais écrite.
 J'avais remarqué le manège amoureux de celle que je considérais comme ma future fiancée même si elle n'avait pas donné son accord. Le jour du drame Natalia m'avait glissé perfidement à l'oreille qu'elle rejoindrait  Charlie aux communaux l'après-midi. J'ai compris ce que cela voulait dire, fou de rage d'humiliation et de jalousie j'ai garé ma mobylette sous un buisson et, dissimulé, les ai attendus et suivis.
J'aurais pu me manifester pour perturber leurs amours mais à l'époque Charlie étant beaucoup plus musclé que moi, en cas de confrontation directe je craignais de ne pas avoir le dessus et de passer pour un looser aux yeux de Natalia. Un chef de bande n'a de force que celle de ses hommes de mains, c'est bien connu.
 Je me suis posté dans les bois et j'ai tout vu : leurs caresses et baisers langoureux, la petite bagarre qui a vite dégénéré et s'est terminée par un coup porté à la tête, le corps traîné dans l'eau et la fuite précipitée de mon "copain" qui avait cru l'avoir tuée.
Après quelques secondes la traîtresse a  repris connaissance et, toussant, crachant, à moitié asphyxiée, a tenté de sortir de l'eau. J'ai mis mon pied sur sa nuque, au début elle a essayé de lutter, j'ai maintenu la pression et compté jusqu'à cent, cette fois elle était vraiment noyée et ne bougeait plus. Puisqu'elle ne sera jamais à moi elle ne sera à personne !       
 Et d'une !
Pour le second il m'a fallu attendre cinquante trois ans pour me venger mais penser à toute la culpabilité, les nuits blanches,  les angoisses qui ont pourri la vie  de Charlie persuadé d'être responsable de la mort de la parisienne avec son coup à la tête me réjouit.
Il était vraiment bête ! Elle ne valait pas mieux, comment avait-elle pu le préférer à moi ?
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Le moment est venu pour nous tous de faire preuve d'ouverture d'esprit, car se pose maintenant la question suivante :
Valentine, ma petite-fille venue du futur, a découvert l'existence de Charlie en lisant mon journal intime trouvé après ma mort dans lequel figurait sa confession de 2018 et le détail de sa triste fin , or j'ai écris cette histoire quelques jours après notre rencontre de 1966 donc bien avant qu'elle ne se termine,  uniquement en recopiant les papiers remis par Valentine et elle me les a remis car elle les avait trouvés dans mon journal … et normalement si j'ai bien tout suivi il devrait exister deux jeux de documents, ceux de 1966 et ceux de 2018, non ?
 Non !
 Il y a vraiment de quoi devenir fou ! Ne cherchons pas à comprendre, c'est ce que l'on appelle en langage de voyageuse du temps : le paradoxe du grand-père !




 
 



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Cette histoire est tirée de mon prochain recueil de nouvelles :

Des monstres ordinaires et autres histoires extraordinaires


 

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