Le petit pont romain : épisode 3 / 3
"Il
était si beau et il était à moi je
n'aurais pas supporté qu'une autre me le prenne, j'aurais mieux aimé le voir
mort."
Je commence à douter. Au début ce
n'est qu'un jeu intellectuel, une hypothèse folle qui se transforme en une
curiosité angoissante me déchirant le ventre, l'angoisse devient un besoin
impérieux je n'en dors plus il faut absolument que je sache.
Ma recherche sur internet :
Christopher Larksons peintre Paris obtient en 0,49 seconde 409 000 réponses et une adresse
dans le quartier du Marais.
Quinze jours plus tard je propose à
ma femme un petit voyage en amoureux. Notre fille s'occupe de la maison et des
animaux, nous prenons le TGV à Saint Raphaël et montons à Paris (les gens du
Sud "montent" à Paris alors que les Parisiens "descendent "
à Cannes bien que sur une sphère il n'y ait ni haut ni bas.) Après avoir joué aux homo touristicus près des monuments
incontournables de la capitale nous
abordons le quartier du Marais et nous improvisons détectives…
Je suis terriblement excité par le
résultat de notre enquête. En fait de couple
fusionnel le beau Christopher était plus couvert de maîtresses qu'un
chien ne l'est de puces et Maria lui pourrissait la vie en le poursuivant
d'une jalousie morbide, non sans raison. Ils se sont donnés une dernière chance
et ont déménagé pour le Sud de la France il y a trois mois. A son départ Christopher était en pleine
forme physique, il jouissait également de toutes ses facultés intellectuelles
d'après le barman de son bistrot préféré qui
lui procurait souvent des alibis foireux ne dupant personne. Ses retours au
foyer après avoir caressé ses conquêtes
étaient souvent houleux comme on peut l'imaginer.
Dans le train qui nous ramène vers le
sud, fort de ces nouvelles informations j'élabore une hypothèse:
- Maria voulait peut-être se suicider
en entraînant avec elle son mari malgré lui, elle l'aurait drogué puis
empoisonné pour se venger d'avoir été bafouée et opportunément profité de notre
rencontre inopinée pour inventer une belle histoire où elle se donne le beau
rôle en prétendant mourir pour lui ?
Ma femme se moque ouvertement de moi:
- Mon pauvre homme on voit que tu ne
connais pas les femmes, la réalité est sûrement bien plus monstrueuse et
perverse, je vais te dire ce qui a dû se passer : Maria n'avait aucunement envie ni intention de mourir, elle a empoisonné son mari et simulé son
propre suicide, je le sens depuis le début, mes intuitions me trompent
rarement.
Je n'ose souligner sa mauvaise foi
lorsqu'elle prétend avoir tout compris depuis le début, comme moi elle a été
émue donc leurrée lors de la première lecture du carnet en cuir, elle poursuit :
- En partant de Paris tout était sans doute
déjà calculé dans son esprit afin de
garder définitivement son mari pour elle seule, à sa manière. Elle écrit dans
son journal : il était à moi, je n'aurais
pas supporté qu'une autre me le prenne,
j'aurais mieux aimé le voir mort. J'ai retenu et appris par
cœur cette phrase incroyablement lucide
qui devrait figurer sur la première page de la déclaration des droits de la
femme. Elle révèle enfin la révolte qui gronde face à la grande injustice dont
est victime le sexe féminin.
Et là, épouse modèle mais militante,
elle inspire profondément avant de m'asséner en apnée cet ahurissant morceau de
bravoure qui me laisse sans voix :
- Vous autres grossiers machos
imaginez naïvement qu'après avoir usé notre jeunesse à torcher vos marmots, à
privilégier votre carrière au détriment de notre épanouissement personnel, à
vous serrer dans nos bras pour vous consoler de vos échecs, de votre
médiocrité, l'âge venant et notre beauté se flétrissant peu à peu, après avoir
été successivement maîtresses, épouses, domestiques et même mamans de nos maris
ingrats, nous allons tranquillement vous laisser partir faire les jolis cœurs
et les beaux gosses avec une plus belle ou plus
jeune qui profitera des fruits de
tous nos sacrifices sans avoir rien fait
pour les mériter. C'est trop facile messieurs, vous rêvez.
Plutôt vous voir crever !
Elle reprend son souffle après cette
belle envolée lyrique en hommage à la grandeur et décadence du sexe masculin,
je profite de l'accalmie pour suggérer timidement des circonstances atténuantes:
- Tu n'exagères pas un peu ?
Christopher témoigne d'un grand amour en acceptant de quitter Paris pour et
avec elle.
- Pas du tout, Maria se doutait bien
que déménager sous prétexte de se donner
une dernière chance ne faisait que déplacer le problème et cachait un
piège. Christopher s'octroyait une bonne conscience à bon compte, un jour ou
l'autre il l'aurait quittée et serait remonté à Paris libéré de son boulet en
la laissant ici ! Cette perspective
étant insupportable, en arrivant à Callian elle a commencé à le droguer
pour accréditer la thèse d'une maladie dégénérative.
- Mais pourquoi m'avoir donné son
journal intime, je n'ai rien à voir avec eux ?
- Votre rencontre a été l'olive sur
son anchoïade, peut-être même avait-elle repéré le but de tes promenades et
s'est-elle placée sur ton chemin, tu es tellement prévisible. Le carnet qu'elle
t'a remis en espérant faire le buzz grâce à ta notoriété régionale l'aurait
fait passer, après son suicide raté, pour une héroïne digne d'une tragédie
grecque, c'était bien joué. Même le coup de la crise de démence où Christopher
lui aurait serré le cou, le foulard censé cacher les traces d'étranglement, la
difficulté de déglutir sonnent juste, du grand art pour se faire plaindre. Le jour du drame elle l'a empoisonné, a avalé
également des somnifères en croyant avoir tout prévu, elle comptait sur
l'arrivée de la femme de ménage pour être sauvée, n'oublie pas qu'à ce moment
elle était la seule a être encore en vie.
- Pourtant elle est morte.
- Malheureusement quelque chose n'a
pas fonctionné parfaitement dans la mise
en œuvre de son crime parfait, peut-être tout simplement un retard de la femme
de ménage, une insuffisance cardiaque préexistante insoupçonnée ayant pu déclencher
un malaise mortel pour quelques cachets de trop, que sais-je ?
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Tout ceci n'est qu'hypothèse, Maria
était peut-être un ange, probablement un démon, certainement un mélange des
deux comme nous le sommes tous ce n'est pas à moi d'en juger, par contre je crains qu'elle n'ait inculqué
de mauvaises idées à une certaine féministe prompte à se radicaliser qui
conclut perfidement :
-" Moi je ne commettrai pas ces erreurs de débutante, je ne
laisserai rien au hasard !"
Eberlué je crois avoir mal compris et
lui demande de répéter cette dernière phrase en précisant si les verbes commettrai (s) et laisserai (s) sont, dans son esprit, au
conditionnel ou au futur, elle répond avec gravité.
- Mes verbes sont au futur. Je ne commettrai pas d'erreur
lorsque je te tuerai dans un avenir plus ou moins proche sois-en certain, je
préparerai mon affaire d'une manière plus professionnelle, j'ai déjà quelques
idées… J' me comprends ! Tu croyais que je n'avais pas remarqué ton manège avec
cette petite merdeuse de T……
Coupable on tient toujours prêtes les
réponses adéquates mais lorsqu'on a rien à se reprocher il est difficile de
trouver les mots justes pour se défendre, tous les innocents vous le
diront. Après quelques dénégations
maladroites j'ai l'horrible sentiment de n'avoir pas su plaider efficacement
pour obtenir le non-lieu que je méritais pour cette accusation précise.
En réalité entre vous et moi elle n'a pas ciblé le bon objectif, ce
n'est pas de la jolie T…. dont elle doit se méfier, ses intuitions la trompent
quelquefois tout de même hé hé !
Désormais prudent, je préfère me faire ma cuisine, me servir mes boissons
moi-même
et
si vous apprenez un jour que je suis atteint de démence ou que je me suis suicidé,
de grâce n'en croyez pas un mot.
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Pour obtenir un exemplaire dédicacé ou notifier STOP ou ENCORE
Site web : http://serge.boudoux.fr
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Prochaine histoire : tour sarrasine, tour assassine ?
Cette histoire est extraite du livre :
https://www.amazon.fr/Tribulations-dun-Lyonnais-Provence/dp/2407003837/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1511252708&sr=8-1&keywords=les+tribulations+d%27un+lyonnais+en+provence&dpID=61Ijen1JwjL&preST=_SY291_BO1,204,203,200_QL40_&dpSrc=srch
également : Cultura ( uniquement en ligne, stock magasin épuisé))
Decitre,
Chapitre
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Les habitants du canton de Fayence le trouveront à :
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Casino place du clos Montauroux
Espace culturel Leclerc
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