mardi 10 avril 2018

MORESTEL au coeur d'un thriller fou !

 
Extrait du second livre ( attention ça pique un peu )
 

Une jeune femme sublimissime

 
Vendredi 23 juillet 2010, 13 h. 302 jours avant la tragédie.

 
  Patrice Villemagne gare sa Ford Focus sur le parking à moitié vide de l'Intermarché de Morestel ( Isère). Au loin on distingue parfaitement la Dent du chat, un sommet montagneux dominant le lac du Bourget, cette vision lui rappelle ses vacances d'enfant, il entend encore la voix rocailleuse de son grand-père, sentencieux.

   - Quand on voit la Dent du chat c'est qu'il va pleuvoir !

   Pour le moment il fait très beau, Papi n'avait pas toujours raison.

   Quand je dis "sa" Focus, moi Henri le Précis je devrais plutôt dire celle de sa mère. 
                    
  Patrice sort de la maison d'arrêt de La Talaudière (Loire), où il était en détention préventive depuis deux mois et risquait de ne pas en ressortir avant bien longtemps. Ce bon garçon qui ne ferait pas de mal à une mouche selon sa génitrice, excellent ouvrier menuisier pour son patron, est accusé d'avoir agressé une randonneuse dans un bois au-dessus de Saint Etienne. Il l'a laissée pour morte après l'avoir violée et étranglée. Il n'avait rien de personnel contre elle bien sûr, pour une fois il se trouvait là par hasard et sans arrière-pensée mais en la voyant marcher avec ses jolies fesses musclées se tortillant devant lui et sa petite queue de cheval se balançant de gauche à droite la tentation fut la plus forte.

 Malheureusement pour lui, il ne serra pas assez fort ni assez longtemps le joli cou douillet de sa victime, qui reprit connaissance un peu plus tard et donna l'alerte. Pas de chance, pour une fois qu'il "opérait" près de chez lui il loupa son coup. Il fut rapidement identifié, à Saint Etienne tout le monde se connait et arrêté le 16 mai 2010 au petit matin.

   Il eut beau expliquer qu'il s'agissait d'une relation sado-maso ayant mal tourné, mais entre adultes consentants, le juge d'instruction ne fut pas convaincu du tout, trouva immédiatement qu'il y avait une étrange similitude entre cette affaire et un des meurtres par arme blanche commis cinq jours auparavant près de Moissac, sur la personne d'une autre femme originaire du Québec pèlerinant sur le chemin de Saint Jacques de Compostelle. Un gros couteau opinel aiguisé comme un rasoir trouvé sur lui lors de son arrestation ne plaida certes pas en sa faveur. Dans l'attente des résultats des diverses enquêtes et analyses diligentées le présumé innocent fut placé en détention provisoire à l'issue de sa  garde à vue malgré les efforts louables mais vains de l'avocat commis d'office, sa voiture resta immobilisée aux fins de recherche de preuves et les journaux se délectèrent du sujet.

   Patrice fut soulagé d'être mis à l'abri, le mari de la marcheuse ayant juré de lui faire la peau. Il se tint tranquille en priant le ciel sans trop d'espoir pour que personne ne fasse le lien avec de nombreuses autres agressions perpétrées dans des départements lointains et se laissa pousser la barbe pour ressembler à un islamiste radical ou plutôt à un délinquant radicalement islamisé, nouvelle mode en prison.                                                                                                              
A sa grande surprise, le lundi 19 juillet, son avocat vint lui dire qu'il était libéré pour une sombre histoire de fax en manque d'encre qui conduisit à ce qu'un document indispensable pour le renouvellement de sa détention provisoire ne parvint jamais à son destinataire.

   Il ne comprit pas trop la subtilité administrative mais le fait est que par suite d'une erreur de procédure il se retrouva libre. La presse se déchaina, le gouvernement fut interpellé, l'opposition réclama la démission de Madame Alliot-Marie garde des sceaux, le président Sarkozy fustigea l'institution judiciaire coupable de laxisme selon lui, alors qu'il s'agissait seulement d'un manque de moyens. Pas de crédits pour la justice, la cinquième puissance économique mondiale était tout simplement au bord de la faillite, le premier ministre François Fillon l'avait récemment avoué. Bref, il y eut un beau bordel. La photo de Patrice avec une barbe de deux mois fit la une de tous les journaux télévisés, les chaînes d'infos en continu prirent position 24 h devant le logement de sa mère où il se réfugia puis passèrent à autre chose, une actualité chasse l'autre.

 Madame Villemagne mère, veuve depuis 5 ans et Stéphanoise depuis toujours, resta  persuadée de l'innocence de son rejeton de 39 ans qui invoqua un complot contre lui, théorie fourre-tout fonctionnant toujours.

 De nombreux humains se figurent que des sociétés secrètes manipulent leur destin individuel ou collectif, ce concept commode permet d'expliquer tous les échecs de l'existence et exonère les perdants de la vie de toute responsabilité personnelle. D'après leurs délires Auschwitz était une aimable colonie de vacances, les Américains ne sont pas allés sur la lune, les avions du 11 septembre 2001 n'ont pas fait tomber les Twin Towers, les pyramides ont été construites par des extraterrestres, Elvis Presley et Michael Jackson sont toujours vivants et Patrice Villemagne est une pauvre victime. Tous ceux qui pensent le contraire font partie d'un vaste dessein à la finalité obscure, c'est Le Complot !

   Albert Einstein avait une idée forte parfaitement applicable à ces élucubrations : « Deux choses sont infinies, l'univers et la bêtise humaine mais en ce qui concerne l'univers je n'en n'ai pas encore acquis la certitude absolue. »

   Sacré Albert, je l'ai un peu connu dans les années 50, vous comprendrez plus tard comment, ce n’était pas le mauvais gars mais il se la pétait un peu. Il avait le même prénom que mon pote du Gers mais la ressemblance s'arrête là, la seule théorie de la relativité développée par mon vieux copain  concerne les quantités relatives d'eau et de Pastis à verser dans un verre pour ne pas noyer l'apéro. Il faut toutefois se méfier, il y a de faux complots et de vraies conjurations !

   Certaines mamans sont aveugles ou ne veulent rien voir. Celle de Patrice lui conseilla de se mettre au vert, lui prêta sa voiture, les clés de la petite maison en pisé située à Morestel dont elle avait hérité l'année dernière de ses parents morts tous deux à quelques mois d'intervalle et lui remit un petit pécule qui devait permettre au fils "persécuté par la société" de survivre le temps que la situation s'éclaircisse. Elle s'imagina que sa libération était la preuve de la reconnaissance officielle de son innocence.

   C'est ainsi que le jeudi 22 juillet en début de soirée il prit la route en toute légalité après s'être rasé, méconnaissable et se dirigea vers la douce petite ville dauphinoise où il pensait pouvoir se faire oublier quelque temps. Pendant son voyage de deux heures il eut l'impression et peur d'être suivi mais comme il arriva sans encombre il se traita d'idiot, n'y pensa plus et s'endormit du sommeil du juste après avoir fait sommairement son lit avec les draps prêtés par sa mère.

   Vendredi il part au ravitaillement vers 13h, l'heure creuse pour les supermarchés.  Bien qu'il ne connaisse personne et que le risque d'être identifié à Morestel soit proche de zéro, il préfère assurer en choisissant un moment propice  pour faire ses courses. Il ne craint pas la justice, il est libre officiellement, mais les menaces du mari de sa dernière victime résonnent toujours désagréablement dans ses oreilles.        

  A tout hasard il met dans sa poche son gros opinel qui peut faire la différence, un homme avec un couteau à la main a souvent le dernier mot dans une discussion avec un homme désarmé, hé hé.

   Il gare donc tranquillement sa Ford Focus sur le parking presque désert de L'Intermarché de Morestel, route de Passins et condamne les portes avec la télécommande. Un Range Rover blanc se gare juste à côté de lui. La plaque d'immatriculation est en partie cachée par la boue mais on distingue parfaitement le sigle "PACA 83".

   Son cœur s'accélère soudain.

   Une jeune femme sublimissime, la qualifier de simplement sublime serait lui faire injure, descend de la Rover et lui décoche un sourire ravageur.

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Patrick Villemagne n'a pas été avantagé par la nature m'a-t-on dit. De taille moyenne, rondouillard, crâne partiellement dégarni sur le dessus, affligé d'un léger strabisme, dents jaunes un peu gâtées, il a eu d'autant moins de chance que s'il a été doté d'un physique ingrat et d'une timidité maladive il a été également pourvu d'un gros membre viril et d'un appétit sexuel hors du commun, une vraie malédiction.                                                                                                                             
Il ne connut d'abord de l'amour et ce dès son adolescence, que des masturbations compulsives en visionnant des films pornographiques, puis paya des prostituées  qui l'expédiait en quelques minutes en le laissant sur sa faim. Insatiable il avait besoin de temps pour assouvir ses multiples besoins.

   Plus tard il essaya d'avoir une relation authentique avec une vraie femme qu'il rencontra sur internet. Ils correspondirent plusieurs semaines et ne purent bientôt plus se passer l'un de l'autre, en fait ils ne purent plus se passer des mails échangés où ils s'inventaient une personnalité, un profil et une vie idéales le tout aidé par des photos un peu arrangées plutôt flatteuses. Tout se déroula bien jusqu'au premier rendez-vous physique avec elle à Lyon. Ils se retrouvèrent dans un bar, sur la porte d'entrée était écrit : Ici on peut apporter ses baisers. Il en avait un plein sac avec lui.

   La fille n'était pas jolie mais lucide, elle avait conscience de son peu d'attraits. Elle  le trouva nettement moins séduisant que sa photo ne le laissait prévoir mais il semblait gentil, timide et comme elle voulait vraiment rompre sa solitude elle l'invita à boire un dernier verre chez elle, erreur grave. La situation changea subitement, il s'enflamma et voulut tout de suite passer aux choses sérieuses. N'ayant jamais compris que les films porno étaient de la fiction, il croyait vraiment que les femmes étaient toujours disponibles et prêtes à se plier à tous les fantasmes de tous les hommes de passage, quel que soit leur nombre ou leur apparence.

   S'il avait été doux, attentionné et câlin peut-être aurait-il pu séduire sa correspondante, mais il se conduisit comme les mâles lubriques agissent dans ces films qui constituaient pour lui sa seule référence comportementale, brutal et agressif comme seul un timide qui se lâche peut l'être. Il fut tout étonné de la rébellion de la fille qu'il considéra comme une profonde frustration  et une grande injustice, lui serra le cou puis la relâcha juste avant qu'elle ne suffoque totalement, après avoir pris un pied d'enfer en se sentant le maître et éjaculé dans son caleçon. Il la traita de salope en regrettant qu'elle n'en soit pas une et menaça de revenir finir le travail si la demoiselle parlait à qui que ce soit de sa mésaventure. Terrifiée elle promit tout ce qu'il voulut  pourvu qu'il parte et jura mais un peu tard qu'on ne l'y prendrait plus.

   L'orgasme ressenti étant plus fort que tout ce qu'il avait connu jusque-là, il tint à renouveler l'expérience mais incognito, perruque blonde, fausse moustache, loin de chez lui. Il changea d'adresse mail, l'ancienne disparut des réseaux, exit les approches trop identifiables sur le web, il devint chasseur de plein air. Ce fut le début d'une longue série d'agressions impunies sur des femmes seules rencontrées au hasard de ses traques, surtout des joggeuses ou des randonneuses,  jusqu'au viol presque meurtrier qu'il effectua à visage découvert car totalement improvisé et pour lequel il fut arrêté...

 

 

 Montez deux minutes

 
Le sourire de la sublimissime conductrice de la Rover est vraiment adressé à lui !                                        
Il n'en croit pas ses yeux, sent son sexe durcir, la jeune femme dégage déjà un caddie de la file et se dirige vers l'entrée du magasin. Il se fige sur place, sonné.
 Elle porte une jupe en cuir noir qui s'arrête à mi-cuisses mettant ses longues jambes en valeur et comble de l'érotisme pour lui, elle est chaussée de bottines noires .                                                                                                                                                                   Un homme siffle sur son passage et dit distinctement :

   - Nom de dieu, celle-ci je la baiserais bien !

   La jeune femme se retourne, sourit et répond.

   - Vous me baiseriez "bien", vous voulez sans doute dire " volontiers ".

   Un clin d’œil appuyé accompagne cette répartie manifestement bien trop subtile pour être appréciée par l’intellect primitif de son grossier admirateur. Non contente d'être belle elle est intelligente.

   Le sang cogne dans les oreilles de Patrice. Il dégage à son tour un chariot et pénètre dans l'Intermarché. Comme un automate, la tête pleine d'images inavouables il fait ses courses et se présente à la caisse. L'inconnue est juste derrière lui. Maladroitement il se retourne, apeuré il croise son regard et  détourne  la tête immédiatement. C'est un grand timide ! Malade, il est malade d'envie. Elle a un minois adorable, des cheveux châtains dorés, des yeux verts, un nez légèrement retroussé, des lèvres sensuelles. Sa poitrine qui jappe à la lune semble lui dire « Viens ! ».

   La caissière le ramène sur terre.

   - 71 € 47. Vous avez la carte du magasin ?

   Il balbutie

   - Je ne sais pas. Non, je ne crois pas.

   La carte de réduction du magasin est bien loin de ses préoccupations fantasmatiques et impérieuses. Il paie, se dirige vers sa voiture et charge ses emplettes dans son coffre. L'inconnue arrive, enfourne un sac dans son Range, seule sa croupe somptueuse dépasse de la portière, provocante.

 Patrice n'en peut plus, elle est trop belle, il lui la faut, son cerveau passe en mode reptilien, ses besoins primaires prennent le dessus. Personne ne le connait ici, nul ne pourra le soupçonner. Tant pis il repartira "après" et racontera une histoire pour expliquer son retour prématuré à sa mère toujours prête à croire son fils quoi qu'il dise. Pour lui, seule compte son envie de cette femme maintenant, plus rien n'a d'importance, hier n'existe plus, demain n'existera peut être jamais, il vit uniquement dans le présent. Aujourd'hui il la veut, sa mécanique perverse est enclenchée, le gentil garçon passe la main au monstre froid.

   Bien sûr, les analyses ADN ont compliqué l'activité de violeur, après réflexion il pense même qu'il sera certainement identifié mais il s'en fout. Au point où il en est, que risque-t-il de plus ? La peine de mort n'existe plus et c'est très bien ainsi, de toutes façons il sera vraisemblablement condamné à une lourde peine pour tout le reste, alors un peu plus un peu moins ! Si la peur du châtiment dissuadait les criminels cela se saurait. Son acte pourra même accréditer la thèse de la folie et de l'irresponsabilité, de plus il en a envie, ce qui clôt la discussion. Les gens normaux hésitent entre le bien et le mal, Patrice lui a un curseur qui fluctue entre un peu moins de mal et un peu plus d'horreur, il fonctionne en binaire : j'ai envie j'y vais. L'avis et la vie de l'objet de ses désirs ne compte pas.

   Après avoir rangé son caddie il se décide. L'inconnue s'apprête à grimper dans sa voiture, il l'aborde timidement.

   -Vous êtes contente de votre Rover ? Je vais peut-être en commander une.

   - J'adore cette voiture. Elle a une voix douce un peu enrouée et très sensuelle, qui le fait frissonner.

   Elle s'installe sur son siège, se penche, dévoilant en partie une poitrine divine et ouvre la portière côté passager.

- Montez deux minutes vous verrez mieux l'intérieur.

   Sa jupe est retroussée découvrant largement ses cuisses bronzées. Il sent qu'il va baver d'un moment à l'autre, quelques zones profondes de son cerveau s'activent et incitent son sexe à prendre le commandement des opérations. Il s'assoit, déplie rapidement son opinel, tourne fébrilement la bague de verrouillage de la lame et pique le flanc de la jeune femme.

   - Démarre ! Vite ou je te plante !

 

Ton pire cauchemar

 

   Elle démarre sans un mot. Instantanément les premières mesures de la cinquième symphonie de Beethoven, celle qui commence par pam pam pam pam, emplissent l'habitacle.

   - Eteins la radio ! Il ne supporte pas la musique.       

   La sagesse bouddhiste enseigne : « Quand un voleur rencontre un saint il ne voit que sa poche. » Patrice lui ne perçoit d'un paysage que les endroits propices à abriter une agression opportune. En venant il a remarqué une petite cabane en pierres abandonnée un peu à l'écart, il l'a mémorisée "au cas où", pour lui c'est un réflexe.  C'est là qu'il compte bien profiter longuement de sa prisonnière avant de la tuer. Joueur, il alterne le couteau ou la strangulation selon son inspiration. Celle-ci il va l'étrangler, il ne la loupera pas, il aime sentir la vie de ses victimes s'éteindre sous ses doigts. Certains jours bénis, le moment où la pulsation de la carotide se meurt déclenche une de ses éjaculations, le summum du plaisir. Maintenant il bave réellement.

   - Tourne à droite. Prends le petit chemin à gauche. Gare-toi là. Sors de la voiture.  Il commande, elle obéit docilement, il est grisé par cette sensation unique de puissance.

   Ils entrent dans cette masure délabrée comme il y en a tant dans le Dauphiné. Au début du 20e siècle les agriculteurs construisaient  des abris au milieu des champs avec des pierres trouvées sur place et y rangeaient des outils, s'y abritaient du soleil ou du mauvais temps en cassant la croûte.

   Le gros opinel menaçant à la main, il se croit le maître du jeu, comme toujours. La simple vue du couteau devrait paralyser la fille. A ce moment, il peut décider de la vie et de la mort de sa prisonnière, il se prend pour Dieu.

   - Comment t’appelles-tu ?

   - Eden et toi tu es Patrice.

   Il est stupéfié, comment cette fille inconnue peut-elle connaitre son prénom, il commence à être mal à l’aise. De plus elle ne semble pas le craindre, son plaisir va être gâché, il aime sentir la peur chez ses proies, il tente de reprendre l’ascendant.

   - Tu t'appelles Eden ? Ça n'existe pas, personne ne s'appelle comme ça ! Tu me prends pour un con, quel est ton vrai nom !

   - Aujourd'hui pour toi et toi seul, je suis "ton pire cauchemar".

   Décidément, rien ne va comme il le souhaite. D'habitude les femmes qu'il agresse tremblent, le supplient, pleurent, prélude et rituel indispensables à son plaisir mais là rien. Eden le fixe avec un air amusé, indifférente à sa situation désespérée.

   - Déshabille-toi !                                                                                                                                            

   Eden ne bouge pas, ses yeux verts le dévisagent intensément, son sourcil droit légèrement surélevé lui donne un petit air démoniaque.

   - Déshabille-toi ou je te plante ! 

   - Vas-y, plante-moi petit mec, pauvre type, tu es déjà mort et tu ne le sais pas.

   Elle doit être folle, il est bien vivant, elle ne va pas tarder à s'en rendre compte. Il conçoit un nouveau scénario, il va la tuer d'abord au couteau et s'amuser ensuite longuement avec son corps, son jouet merveilleux, sa chose. Grandiose, il trouve son idée grandiose. Il allonge le bras pour la poignarder, la main droite de la jeune femme effectue un balayage savant, sa main gauche accompagne le mouvement, bloque le bras armé, il ressent une douleur terrible dans l'épaule puis est amené à terre où il est obligé de se coucher, pris dans un étau irrésistible. Il gémit.

   - Tu as très mal ? demande-t-elle gentiment.

   - Tu m'as cassé le bras.

   - Mais non, juste une petite tendinite de l'épaule. Serais-tu douillet ?

   - Je t'emmerde Salope. 

   - Tu n'obtiendras rien par la flatterie, je vais t'apprendre la politesse.

   Elle talonne son épaule douloureuse avec sa bottine, recule de deux pas, puis shoote avec force entre ses jambes. La souffrance est telle qu'il vomit.

   - Ecoute-moi enfoiré, je t'ai suivi depuis ton départ de Saint Etienne. Dès que j'ai appris ta libération scandaleuse je n'ai eu qu'une préoccupation, débarrasser la planète de ta présence. Pour moi tu es un cafard que je vais écraser. Les juges manquent d'encre pour leur fax, moi je vais régler le problème, pas besoin d'écritures ni de papier, la solution finale sera économique et écologique.

Il redevient un bon gosse et pleure comme un enfant.

 - Qu'est-ce que je vous ai fait madame, je ne vous connais pas, je n'avais pas l'intention de vous faire du mal.

   - Tu n'as pas compris, tu ne peux pas me faire de mal, je suis trop forte pour toi, je veux simplement exécuter ma sentence. Je t'ai reconnu coupable de viol et tentative de meurtre sur la personne d'une femme sans défense et condamné à mort pour l'ensemble de ton  œuvre, je présume que tu n'en étais pas à ton coup d'essai. Tu ne mérites pas de vivre, Loïc. Choisis ta mort, couteau ou strangulation ?

   - Je m'appelle Patrice, vous vous trompez d'homme, madame.

   - Patrice ou connard, pour moi tous les salopards de ton espèce se prénomment Loïc, comme mon frère aîné qui m'a violée dans mon enfance.

   Elle pose sa bottine droite sur la trachée de son condamné et appuie. Un gargouillis sort de la bouche de l'homme. Elle relâche la pression.

   - Tu veux dire quelques mots ? Je respecte les droits de la défense !

   - Vous êtes trop belle, je n'ai pas pu résister, mais je suis innocent pour tout le reste, c'est un complot contre moi.

   - Ben tiens donc, bien sûr que tu es innocent ! La randonneuse de Saint Etienne a sans doute tenté de se suicider en s'étranglant toute seule et Brigitte Lévesque la Canadienne de Moissac dans le Tarn et Garonne tu t'en souviens ?

   Malgré la douleur il tente de réfléchir, Moissac ne lui évoque rien, mais la liste de ses victimes est suffisamment longue pour excuser un oubli, il bredouille.

   - Je vous jure que je ne sais pas de qui vous parlez.

   Elle sourit, complice.

   - Là, je te crois et pour une bonne raison, la salope de canadienne de Moissac c'est moi qui l'ai "opérée", mais tu vas porter le chapeau à titre posthume, ton juge d'instruction va être ravi de constater qu'il avait vu juste.

   Il tente de se relever, il ne peut s'appuyer sur son bras la souffrance est trop forte, il retombe dans l'herbe.

   - Finalement c'est moi qui choisis.

   Elle saisit l'Opinel tombé à terre, s'agenouille derrière le corps allongé, relève le buste de Patrice, le bloque avec son genou en le maintenant par ses cheveux encore épais sur l'arrière. Il ne réalise pas ce qui lui arrive, tout s'est passé trop vite, il était le maître et quelques secondes plus tard il se retrouve victime expiatoire. D'un seul coup elle enfonce la lame dans le cœur de Patrice, essuie le manche avec un mouchoir, place la main droite de l'homme autour de l'opinel, dépose un papier plié dans sa poche et le retourne sur le ventre, sa tête retombe juste à côté de son vomi .

   Une voix dans la tête d’Eden ricane :

   - le bourreau est devenu victime, juste retour des choses et un gros porc de plus de saigné, UN !

 Elle récupère les clés de la Focus accrochées par un mousqueton à la ceinture du pantalon du "suicidé", monte dans la Rover et démarre.

   Un homme grisonnant l'attend à la terrasse de la brasserie "le grand café", place saint Symphorien. Il se lève en apercevant la voiture et monte côté passager, il interroge.

   - C'est fait ?

   - C'est fait. Le papier est dans sa poche, quand les enquêteurs y trouveront le numéro de téléphone et l'adresse mail de la canadienne, la justice n'aura plus de doute sur l'identité du meurtrier de la dame. La version du tueur unique sur le chemin de Saint Jacques de Compostelle sera au mieux définitivement jetée aux orties, au pire réorientée vers notre défunt "ami".

   - Tu es vraiment diabolique, mais je me suis fait du souci.

   - Pour qui, ricane Eden, pour l'autre enfoiré ? Tu avais raison, il lui est arrivé un grand malheur. Dans les bouquins d'espionnage on parle d'extrême préjudice !

   L'homme soupire.

   - Tu sais bien que j'ai toujours peur pour toi.

   Les yeux verts flamboient.

   - Je croyais que les choses étaient claires entre nous, je t'ai déjà demandé de ne pas me prendre pour une petite chose fragile, je suis plus forte que tu ne crois, treize ans de taekwondo j'aurais pu éliminer ce cafard d'une seule main. Elle s'adoucit. Tu es très gentil de prendre soin de moi. J'aimerais que tu conduises sa Ford jusqu'à la cabane où il s'est "donné la mort" et ensuite nous irons directement à notre hôtel, j'ai trop envie de toi et demain direction le Gers comme prévu.

   - Non, il nous faut retourner à Cannes, j'ai reçu un appel que j'attendais, j'ai une surprise pour toi.

   Eden est scotchée. C'est incroyable, son amant Michel-Ange déteste les surprises et il était très impatient de partir pour le Gers, il voulait à tout prix me rencontrer, moi  Henri le Mystérieux pour que je lui parle de mon secret. Que se passe-t-il de si important pour qu'il déroge ainsi à ce qu'ils avaient projeté, cela ne lui ressemble pas. Eden est curieuse, elle veut savoir tout de suite, l'idée d'attendre demain lui parait insupportable mais elle est sûre d'avoir les arguments pour le faire parler dès ce soir. Après chaque exécution elle est insatiable sexuellement.                                                 

 

Ce n'est pas  Michel Ange qui s'en plaindra, nul homme avant lui n'avait su allumer ce brasier...

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