Au sommet du mont Vinaigre.
De ma terrasse, chaque jour où la
visibilité est bonne je vois les antennes du mont Vinaigre se dresser dans le
ciel de l'Estérel.
Ce petit mont culmine à 614 m
d'altitude et ressemble plus à une colline qu'à une montagne, ce qui n'empêcha
pas le brigand Gaspard de Besse détrousseur des agents du fisc et les forçats évadés du bagne de Toulon de
trouver refuge au 18e siècle dans les
bois couvrant ses pentes.
Conseillé par mon voisin René qui me
vantait son sommet offrant aux courageux grimpeurs "une vue à couper le
souffle" , expression bizarre suggérant que les yeux commandent aux
poumons, par un beau mardi matin ensoleillé je décidai de vérifier le fait par
moi-même.
----------
Après avoir traversé le village des
Adrets de l'Estérel je me gare près de la maison forestière du Malpey et entame
la montée à travers les Eucalyptus.
Les Eucalyptus sont des arbres
extraordinaires, de leur tronc haut et droit ( " fier " écriraient
des écrivains plus doués ou plus ennuyeux que moi), se détachent par endroits des
écorces odorantes révélant une peau blanche, lisse et douce comme celle d'un bébé.
A mon arrivée un couple en état de
stress maximum s'affaire autour d'un petit bouledogue français blanc tâché de
noir qui émet le bruit de locomotive caractéristique du chien en train de
s'étouffer. En détresse respiratoire il tire une langue violette inquiétante.
La femme invective son compagnon :
- C'est encore ta puta de bruja qui fait des siennes et je t'avais bien dit
que le mardi portait malheur, Martes ni
te cases ni viaja.
Marié depuis quarante ans avec une
femme d'origine espagnole vous pensez bien que je connais toutes les
superstitions et les insultes proférées dans cette langue particulièrement
riche en ces matières, même si pour conserver l'harmonie du foyer je feins de
ne rien comprendre.
Martes ni
te cases ni viaja signifie " mardi ( réputé jour néfaste) ni tu te maries ni tu voyages"
et ta puta de bruja " ta pute de
sorcière ".
L'urgence pour l'instant n'étant pas
de philosopher mais de sauver le chien j'asperge les pattes et le poitrail du
pauvre animal avec ma bouteille d'eau, le miracle se produit il retrouve
progressivement une respiration normale et une langue plus rosée.
Ce petit truc m'a été appris par une de mes belles-sœurs propriétaire également d'un bouledogue français, bien que chez elle on ne distingue pas clairement le possédant du possédé.
Cette race étant assez fragile, j'explique au couple éploré que leur chien est vraisemblablement né avec un épaississement du voile du palais, anomalie courante pouvant se corriger par une petite opération chirurgicale.
René avait presque raison la vue a bien coupé un souffle, celui du petit chien, mais je crois plutôt que son malaise est dû à des efforts dépassant ses capacités physiques.
Ce petit truc m'a été appris par une de mes belles-sœurs propriétaire également d'un bouledogue français, bien que chez elle on ne distingue pas clairement le possédant du possédé.
Cette race étant assez fragile, j'explique au couple éploré que leur chien est vraisemblablement né avec un épaississement du voile du palais, anomalie courante pouvant se corriger par une petite opération chirurgicale.
René avait presque raison la vue a bien coupé un souffle, celui du petit chien, mais je crois plutôt que son malaise est dû à des efforts dépassant ses capacités physiques.
Le drame paraissant évité, sans mon
intervention le toutou serait peut-être mort asphyxié, je prends le temps
d'admirer le paysage qui est en effet fabuleux, d'ici on domine toute la côte
méditerranéenne de la baie de Saint Raphaël aux rochers de Menton .
.
Le couple reconnaissant me propose
des biscuits. L'homme, la cinquantaine sportive et musclée ressemble un peu à
Richard Gere avec ses cheveux gris, sa femme est plus ...comment dire ..."épanouie" pour utiliser une aimable métaphore.
Pendant quelques minutes ils
m'expliquent que ce chien étant leur premier animal, son fonctionnement est
encore une énigme pour eux. Je comprends
mieux leur impuissance face au problème. Comme ils sont très sympathiques nous
redescendons et marchons ensemble un moment. La femme et le bouledogue sont
vite distancés, alors, loin de toute oreille inquisitrice j'interroge Richard
Gere.
- Je ne voudrais pas être indiscret (
phrase que l'on prononce toujours lorsque l'on se propose de l'être) mais
pourquoi votre épouse vous a-t-elle dit :
- C'est encore ta pute de sorcière qui fait des siennes ?
Il tourne la tête pour vérifier qu'elle
soit hors de portée auditive et me raconte l'histoire qui suit.
----------
"Je suis directeur commercial
d'une société de construction de maisons individuelles. Il y a environ dix-huit
mois j'ai vendu une maison à un couple surprenant. La femme est âgé de vingt huit ans le mari
d'une quarantaine d'années. Complètement
sous la domination psychologique de son épouse pour laquelle il a divorcé d'un
premier mariage, il m'a confié un jour qu'elle possédait des pouvoirs
paranormaux et serait capable de jeter des sorts, ce qui m'a beaucoup amusé. Pour moi le
bonheur, la chance ou le malheur sont plus consécutifs à ma capacité de prendre
ou non la bonne décision au bon moment que dus aux sorts que l'on pourrait me
jeter.
J'ai côtoyé de près ce couple atypique
pendant une grosse année, le temps nécessaire aux formalités de permis de
construire, demande de prêt, puis à la surveillance du chantier.
Comme à mon habitude à la remise des clés, le 31 juillet, j'ai offert un beau bouquet de fleurs à la nouvelle maîtresse de maison sans penser à mal. En recevant les fleurs elle a déposé sur mes joues deux gros baisers ayant tendance à déraper vers mes lèvres. Ses yeux étaient mouillés, sans doute l'émotion de rentrer dans sa nouvelle maison pensais-je naïvement.
Comme à mon habitude à la remise des clés, le 31 juillet, j'ai offert un beau bouquet de fleurs à la nouvelle maîtresse de maison sans penser à mal. En recevant les fleurs elle a déposé sur mes joues deux gros baisers ayant tendance à déraper vers mes lèvres. Ses yeux étaient mouillés, sans doute l'émotion de rentrer dans sa nouvelle maison pensais-je naïvement.
Après les vacances d'août elle m'a
rappelé :
- J'ai beaucoup réfléchi, suite à
votre proposition j'ai décidé de vous prendre pour amant, mon mari est
d'accord.
Je tombais des nues.
- Quelle proposition ?
- M'offrir des fleurs n'était pas une
proposition ?
- Non, c'est une coutume dans notre
société d'offrir un bouquet à chaque nouvelle cliente.
- Pour moi c'est une déclaration pure
et simple, ne soyez pas timide puisque je vous dis que je suis d'accord.
J'ai répondu :
- Je suis très sensible à l'honneur
que vous me faites mais je suis marié et fidèle à ma femme.
- Nous sommes entre hommes, cette
fille ne me plaisait pas du tout, autrement…vous me comprenez…
Il poursuit,
- Avec un petit rire elle a dit: - Vous ne tarderez pas à changer d'avis.
Le lendemain j'avais un accident de
voiture. Une heure plus tard je recevais un appel, c'était elle:
- Alors ?
- Alors quoi ?
- Toujours pas décidé ?
- Je ne comprends pas ?
- Vous comprendrez mieux demain
Le surlendemain ma femme avait un
accident de voiture. Une heure plus tard je recevais son appel :
- Toujours pas décidé ? Vous n'avez
pas encore compris.
- Je n'ai pas du tout l'intention
d'être votre amant.
- On ne me dit pas non à moi, et ce
n'est pas un vieux débris comme vous qui va me résister, attendez la suite.
Il est vrai que pour une femme de 28
ans un homme de 54 ans est sans doute très vieux. Elle était donc certaine de
me faire un grand honneur et, manifestement chagrine que j'aie boudé son offrande, devait être terriblement humiliée de mon refus.
Deux heures plus tard ma femme
m'appelle :
- Je ne sais pas ce qui se passe mais
toute ta collection de petits cochons en cristal vient d'éclater en morceaux.
Deux jours se passent, nouvelle
sollicitation, je réitère mon refus au téléphone et commence à m'énerver, ma
persécutrice me répond d'un ton mielleux :
- Vous avez bien un petit-fils de six
mois ?
Cette histoire allait trop loin, je
lui ai proposé :
- Ok, demain je vous invite à
déjeuner.
Je suis rentré chez moi et j'ai tout
expliqué à ma femme. Horrifiée de nous savoir ainsi en butte aux entreprises
d'une démone qu'elle baptisa immédiatement " ta puta de bruja ", elle s'empressa de faire bouillir du vinaigre
dans une casserole et de jeter du sel derrière son épaule en marmonnant des
incantations, remèdes souverains contre les envoûtements comme chacun sait.
- Si tu ne me lâches pas les baskets
et si mon petit-fils a le moindre rhume, une diarrhée ou plus de 37.5° de
fièvre je te crève connasse.
Il n'est pas dans mes habitudes d'être
discourtois mais là il fallait mettre le paquet.
J'ai payé et suis sorti sans avoir bu
mon café, c'est vous dire si j'étais en
colère. Je ne crois pas du
tout qu'elle soit responsable de tout ce qui m'est arrivé, sans doute a-t-elle
appris les accidents que nous avons eus, ou bénéficié d'un concours de
circonstances et de coïncidences extraordinaires, Cocteau disait à peu près
:" Face à des évènements
qui nous dépassent, feignons d'en être les organisateurs."
Je n'ai plus jamais entendu parler
d'elle.
Par contre maintenant j'ai un autre
problème, chaque fois qu'il se produit un évènement sortant de l'ordinaire,
trois jours de pluie, une chute de grêle, une fièvre du petit dernier ou un tee-shirt disparaissant puis réapparaissant ma femme me dit :
- C'est encore ta sorcière qui fait
des siennes. "
---------
Nous étions arrivés près des
voitures, j'ai salué mon compagnon de marche sa femme et leur petit chien
blanc taché de noir qui nous avaient enfin rejoints. Au moment de partir j'ai
remarqué quelque chose, j'ai baissé ma vitre et les ai prévenus :
- Vous avez une roue un peu
dégonflée.
Une voix féminine prononça alors distinctement ces mots :
- C'est encore ta puta de bruja qui fait des siennes !
----------
Sur le chemin du retour une phrase du
séducteur malgré lui m'est revenue en mémoire. Après avoir empoigné son
admiratrice trop assidue par le col il lui a dit :
- Si mon petit-fils a le moindre
rhume, une diarrhée ou plus de 37.5° de fièvre je te crève connasse.
Pour quelqu'un qui ne croit pas aux
envoûtements c'est une curieuse réaction, non ?
---------
-----------
Cette histoire est extraite du livre :
Pour un exemplaire dédicacé, un contact ou accéder aux liens d'achat :
site web - http://serge.boudoux.fr
Prochaine parution : La grotte miraculeuse.
Vous pouvez me noter et laisser un commentaire dans la rubrique " Avis " de ma page FB
Cette histoire a été lue par 1 521 personnes sur ce blog
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire