La Tour Sarrazine.
Montauroux. ( Var )
On sonne à mon portail je me réveille
en sursaut l'esprit encore embrumé, le portable posé sur mon chevet indique
quinze heures.
En maudissant celui ou celle qui ose ainsi assassiner ma sieste je regarde à travers les persiennes qui filtrent le soleil écrasant. Mon cœur s'accélère, deux hommes en pantalon de toile, chemisette à manches courtes et serviette en cuir attendent patiemment en pleine chaleur. Ils viennent sans doute pour m'arrêter mais qui m'a dénoncé ?
je pensais naïvement que personne n'était au courant de cette histoire hallucinante mais malheureusement on est toujours rattrapé par son passé, surtout quand il est récent !
En maudissant celui ou celle qui ose ainsi assassiner ma sieste je regarde à travers les persiennes qui filtrent le soleil écrasant. Mon cœur s'accélère, deux hommes en pantalon de toile, chemisette à manches courtes et serviette en cuir attendent patiemment en pleine chaleur. Ils viennent sans doute pour m'arrêter mais qui m'a dénoncé ?
je pensais naïvement que personne n'était au courant de cette histoire hallucinante mais malheureusement on est toujours rattrapé par son passé, surtout quand il est récent !
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Tous les matins je parcours plusieurs kilomètres dans
la forêt qui borde le lac de Saint Cassien ou au cœur de la pinède,
descendant parfois la colline boisée qui rejoint
la rivière la Siagne et le merveilleux petit pont romain, il m'arrive même de
monter jusqu'à Saint Cézaire, trois heures et demie de marche allez retour.
Comme les histoires imaginées pour mes livres cannibalisent mon cerveau,
souvent je m'égare au milieu des bois . De plus en plus distrait un jour mes
pas m'ont conduit à l'endroit où tout a commencé.
Sans trop savoir comment je suis
arrivé là je me suis retrouvé sans le vouloir nez à nez ou
plutôt nez à mur avec une ruine que les gens du village
appelle la Sarrazine, une ancienne
tour de guet qui n'a sans doute jamais vu de sarrasins ou alors il y a bien
longtemps, et n'a par conséquent de Sarrazine que le nom. Il ne reste de la
bâtisse initiale qu'une muraille
arrondie se terminant en triangle auquel je m'adosse, assis sur un gros rocher.
J'accorde généreusement un Z à Sarrazine pour donner une connotation plus
exotique à l'objet.
Perché au sommet d'une falaise cet
endroit magique domine un ravin vertigineux profond de plusieurs centaines de
mètres au fond duquel coule la Siagne. Sur l'autre versant à un ou deux
kilomètres à vol d'oiseau le village de Saint Cézaire me fait face, en bas au
loin à droite la chapelle Saint Saturnin semble un jouet perdu au milieu de
nulle part, l'aqueduc à ciel ouvert qui achemine l'eau potable à Grasse et Cannes
court à travers les bois comme une longue balafre, une cicatrice qui confère au
flanc de la colline le charme viril des terrains d'aventure réservés aux
baroudeurs.
Je m'assieds, subjugué par la beauté
du lieu, séduit par le silence et les odeurs fleuries et décide de venir
désormais écrire là chaque jour.
Quelle n'est pas ma déception de
constater qu'un homme est déjà assis sur mon
gros rocher ! Je l'ai détesté tout de suite avec sa quarantaine robuste, ses
cheveux roux fournis et frisés contrastant avec ma chevelure blanche qui se
raréfie.
J'allais repartir lorsqu'il s'est
levé et m'a dit:
- Je vous laisse la place elle est
toute chaude. Vous êtes l'écrivain, non ? j'ai parcouru un de vos
romans, il semble bien écrit mais je n'aime que les traités d'économie et la
science fiction, de toutes façons je n'ai pas le temps de lire, mes affaires
occupent tout mon temps et lorsqu' une décision importante mérite ample réflexion je
viens méditer ici !
Pourquoi les gens se sentent-ils
obligés d'annoncer j'ai aimé ou non vos
écrits, apprécieraient-ils qu'on leur dise j'aime ou
je n'aime pas votre tête, d'autre part un livre est comme une femme il ne
se parcourt pas distraitement, il faut lui accorder du temps, le découvrir
patiemment en l'effeuillant lentement, page après page, se laisser envahir
totalement par sa séduction discrète
jusqu'à l'aboutissement et l'éblouissement ultimes sinon on l'abandonne à
d'autres plus susceptibles d'apprécier son charme.
Il est parti, j'ai sorti l'ordinateur
de mon sac à dos et travaillé à mon nouveau recueil de nouvelles une grosse
heure jusqu'à ce que la batterie déclare forfait.
Je n'ai pas revu l'homme les deux
jours suivants.
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Le troisième jour sur le coup des
onze heures soudain j'eus l'impression d'être observé.
Je levai la tête de mon clavier, elle était là, silencieuse, attentive et
me regardait.
Comment vous décrire cette sublime apparition
? Elle ressemblait à Pocahontas, ses longs cheveux bruns encadraient un visage
bronzé dans lequel se détachaient de beaux yeux noirs.
J'ai tout de suite adoré son style de sauvageonne, sa silhouette sportive. Elle devait être âgée de quarante ans environ, l'âge de l'éveil au monde pour les femmes : arrivées à cette période de leur vie les pauvrettes commencent à réaliser qu'il y a d'autres hommes que leur décevant mari sur terre mais n'ont pas encore appris que les amants ne valent pas mieux une fois passée la lune de miel adultère.
Elles comprennent généralement très vite.
J'ai tout de suite adoré son style de sauvageonne, sa silhouette sportive. Elle devait être âgée de quarante ans environ, l'âge de l'éveil au monde pour les femmes : arrivées à cette période de leur vie les pauvrettes commencent à réaliser qu'il y a d'autres hommes que leur décevant mari sur terre mais n'ont pas encore appris que les amants ne valent pas mieux une fois passée la lune de miel adultère.
Elles comprennent généralement très vite.
Le lendemain elle est revenue, s'est
assise à dix mètres de moi. Je jetais de petits coups d'œil sournois dans sa
direction, elle fixait le paysage silencieusement puis est partie. Cette nuit
là j'ai rêvé d'elle mais contrairement à ce que dit la chanson elle est vraiment très belle elle n'est pas
faite pour moi.
Le surlendemain à mon arrivée la
Sublimissime était déjà arrivée, tenant dans sa main le tome trois de ma
trilogie d'Eden ayant pour titre Ainsi
soit-elle . Pour la première fois elle m'a parlé :
- Vous êtes l'auteur de ce livre ?
Je ne me suis pas étonné qu'elle me
reconnaisse, on s'habitue vite à la célébrité, même toute relative.
- Oui.
- Je l'ai lu trois fois c'est une
vraie friandise et un grand privilège de voyager ainsi dans votre esprit.
- Merci.
Sa voix douce et son adorable petit
accent chantant comme un pépiement d'oiseau me parurent très sensuels.
- Je serais très honorée que vous
acceptiez de me le dédicacer, je suis tellement heureuse de vous rencontrer.
J'ai écrit sur la première page:
A celle qu'on voit apparaître
une seconde à sa fenêtre
et qui preste s'évanouit
mais dont la svelte silhouette
et si gracieuse et fluette
qu'on en demeure épanoui !
Elle a pressé le bouquin sur son cœur
puis est partie, j'étais déjà accro.
Le reste de la journée m'a semblé
interminable, j'avais hâte d'être au lendemain. C'était un samedi, elle n'est
pas venue. En état de manque, désespéré et malheureux je n'ai pas écrit une
seule ligne. Le dimanche c'est moi qui n'ai pu respecter ce rendez-vous
informel n'osant pas dire son nom, j'ai
haï les amis qui ont passé cette journée avec nous et m'ont privé de ma groupie forestière.
Lundi matin, impatient comme un
lycéen qui se rend à son premier flirt j'ai marché aussi vite que possible, mon
cœur battait vite et fort, je pensais " et si elle ne venait pas" ?
Elle était déjà là, ses beaux yeux semblaient mélancoliques, secrètement ils
m'adressaient des messages, j'entendais des regards qu'elle croyait muets.
- Serge, vous m'avez manqué
terriblement.
Un moment j'ai douté de mes oreilles,
moi sexagénaire mûr quoi que bien conservé je pouvais donc être la cause d'un
petit chagrin pour cette splendide apparition?
A ma grande confusion j'avoue que j'en fus
ravi. Si je ne pouvais songer à caresser un espoir je n'étais tout de même pas
fâché d'inspirer des regrets.
Elle s'est blottie tout contre moi,
je ne savais plus ce qui m'arrivait. Je l'ai gardée ainsi longtemps serrée dans
mes bras elle sentait bon, une senteur envoûtante, j'aurais donné le restant de
ma vie pour que ce moment dure toujours.
Depuis des années mon cœur qui avait déjà assez fait de bêtises était à la retraite lui aussi, il semblait ne jamais pouvoir se réveiller et c'était très bien ainsi. Soudain il me trahissait, prêt à faire des folies pour une inconnue dont je ne connaissais même pas le nom. Elle s'est dégagée doucement de mon étreinte, a caressé mon visage de ses longs doigts fuselés et a disparu dans les bois.
Depuis des années mon cœur qui avait déjà assez fait de bêtises était à la retraite lui aussi, il semblait ne jamais pouvoir se réveiller et c'était très bien ainsi. Soudain il me trahissait, prêt à faire des folies pour une inconnue dont je ne connaissais même pas le nom. Elle s'est dégagée doucement de mon étreinte, a caressé mon visage de ses longs doigts fuselés et a disparu dans les bois.
Mardi matin elle est venue, s'est
hissée sur la pointe des pieds pour effleurer mes joues et le coin de ma bouche
avec ses lèvres joliment dessinées et
m'a interrogé:
- Je peux vous poser une question?
- Bien sûr.
- Dans votre livre, au chapitre
"comme un vol de gerfauts" Eden votre
héroïne accompagne Eric et Camille qui gênent ses ambitions au sommet d'un
immeuble en construction et les pousse dans le vide au risque de tomber avec
eux.
- Oui.
- Je me demandais… et puis non vous
allez vous moquer de moi.
- Pourquoi me moquerais-je ?
- Vous ne rirez pas, promis ?
- Promis.
- Je me demandais si un homme aurait
eu le courage de commettre un tel acte pour Eden. Je n'ai pas une très bonne
opinion des hommes en général, peu d'entre eux seraient capables d'une telle
preuve d'amour.
- Une preuve d'amour?
- Quelle plus belle preuve que
risquer sa vie pour celui ou celle qu'on aime ?
Sa petite moue ravissante m'a fait
craquer, à cet instant j'aurais poussé tous les habitants du village dans ce ravin si elle l'avait exigé.
J'ai pensé aux vers de Victor Hugo :
Je ne sais pas si j’aimais cette dame
Mais je sais bien
Que pour avoir un regard de son âme
Moi, pauvre chien
J’aurais gaiement passé dix ans au bagne
Sous les verrous
Le vent qui vient à travers la montagne
Mais je sais bien
Que pour avoir un regard de son âme
Moi, pauvre chien
J’aurais gaiement passé dix ans au bagne
Sous les verrous
Le vent qui vient à travers la montagne
Me rendra fou.
Sous les verrous, ce petit sonnet était prémonitoire.
Je ne sais pas ce qui m'a pris,
peut-être un besoin de me valoriser je me suis entendu lui dire:
- Si un jour quelqu'un vous fait du
mal je lui casserai la tête.
Une telle promesse ne coûte pas cher
et fait toujours plaisir.
- Merci Serge je suis très touchée
mais parlons de choses plus agréables. J'ai adoré bien d'autres passages dans
votre livre, en particulier celui où vous parlez du Burkini, puis celui où vous décrivez le dernier homme qui tue son
dernier frère et votre conclusion: la
plus grande ruse du diable est de faire croire qu'il n'existe pas. Je
n'avais encore jamais ressenti une telle osmose intellectuelle et émotionnelle
avec aucun homme.
"Chose plus agréable" pour
elle serait donc le dernier homme tuant son dernier frère, curieux non? En tout
cas cette cuillerée de miel pour mon égo m'attacha davantage à elle que le
tonneau de vinaigre de ma voisine se plaignant quelquefois acrimonieusement des
aboiements de mes chihuahuas.
Mercredi matin. Toute triste elle me
dit:
- Il ne faudrait plus que nous nous
voyions mon mari commence à être jaloux, mais personne ne m'empêchera de venir
ici j'ai trop envie d'être près de vous.
Elle était donc mariée et prenait le
risque de déplaire à son époux pour moi. Alléluia! Je me suis souvenu des
paroles du dernier centenaire de la commune qui aurait bien aimé finir sa
vie tué
par un mari jaloux justement, il avait 109 ans mais ne faisait pas son âge,
on lui en aurait donné 105 tout au plus hé hé. C'est toute la grandeur de la
race humaine que de vouloir plaire jusqu'à son dernier souffle. Contrairement à
ce que l'on prétend la vieillesse n'est pas seulement le déclin de la
curiosité, est vieux celui ou celle qui a renoncé à plaire ou à convoiter le
sexe opposé.
Jeudi matin. Ma fée sylvestre n'est
pas là, de lourds nuages sombres obscurcissent le ciel, quelques grosses
gouttes mouillent le sol, un éclair déchire l'horizon le tonnerre gronde, des
idées noires brouillent ma concentration et mes réflexions. Ces quelques vers empruntés, à
peine modifiés et particulièrement adaptés à mon état d'esprit surgissent de ma
mémoire: ( ce sont les derniers, promis )
Vendredi matin. Elle était là, des
larmes coulaient de ses beaux yeux noirs.
- Je me suis disputée avec mon mari à
cause de vous, j'ai peur de lui il est violent.
Je l'ai prise dans mes bras:
- Voulez- vous que j'aille lui
expliquer que sa jalousie est idiote, il n'a rien à craindre du vieil homme que
je suis.
Je ne crois pas une seconde qu'un
sexagénaire soit un vieillard mais j'avais envie qu'elle me rassure je n'ai pas
été déçu. Sa réponse m'a bouleversé :
- Il y a plus de séduction et de
charme dans un de vos petits doigts que dans tout son gros corps dégoûtant et
son esprit grossier.
- Qui est votre mari ?
- X… V… Vous l'avez rencontré une
fois ici-même il y a une dizaine de jours.
L'image de l'homme assis sur mon rocher, méditant avant de prendre
une décision concernant ses affaires m'est revenue en tête, je n'ai pas de lui
le souvenir d'un être grossier ou violent, mais il faut vivre avec quelqu'un
pour le connaître vraiment, les tyrans domestiques sont souvent adorables en
dehors de leur foyer.
Samedi matin, elle est arrivée et
s'est tenue loin de moi, son beau visage était défiguré par des traces sombres.
Elle m'a supplié :
- Ne vous approchez pas, je suis trop
laide, hier soir il m'a frappée lorsque je lui ai dit que je vous avais revu.
Cette histoire devenait complètement
folle, non ?
Le ketchup (condiment stimulateur de
colère plus doux que la moutarde) m'est monté au nez :
- Je vais allez le voir et lui
expliquer qu'il n'y a rien entre nous.
- Il ne vous croira pas, je lui ai
avoué l'attirance que j'ai pour vous.
Tout le dimanche j'ai ruminé, je
sentais confusément la catastrophe arriver, le souvenir du minois adorable
défiguré par les coups m'obsédait.
Lundi matin.
L'homme trapu aux cheveux roux
fournis et frisés était assis sur mon
rocher, ça sentait le règlement de compte et la bagarre. A mon arrivée il m'a
tout juste gratifié d'un regard rapide,
a détourné la tête et d'une voix lasse m'a dit :
- Bonjour, vous allez bien?
Il s'est levé pour me laisser la place et
s'est avancé de deux pas vers le bord de la falaise, sur le côté gauche où aucun
arbre amortisseur n'a pu s'enraciner.
Je le détestais mais mes sentiments
envers lui allaient bien au-delà de la détestation. Je le haïssais pour
cette politesse mielleuse précédant
vraisemblablement les insultes et le concours de claques, pour sa jeunesse, ses
cheveux et, vous allez rire mais qu'il puisse se tenir ainsi tout près du
précipice m'humiliait, moi je ne pourrai jamais réaliser un tel exploit je
souffre d'acrophobie pathologique appelée aussi peur du vide ou plus
improprement vertige.
Mes yeux étaient fixés sur ses grosses mains
croisées dans son dos, ces objets dégoûtants
qui avaient osé souiller le beau
visage de ma sublime princesse. Sans tourner la tête il a prononcé avec une
gentillesse qui me parut hypocrite :
-
Votre livre avance comme vous voulez ?
A ces mots j'eus une sensation
désagréable, manifestement il me prenait pour un abruti, je n'ai pu dominer ma
colère, une voix douce terriblement sensuelle a résonné, à défaut de me
raisonner, dans mes oreilles :
" Quelle plus belle preuve d'amour que
risquer sa vie pour celui ou celle qu'on aime."
En une seconde tout mon vernis
superficiel de civilisation s'est évaporé, j'ai poussé l'homme dans l'abîme, il
a disparu de mon champ de vision, happé par le ravin. J'ai pensé au vers de Heredia
" Comme un vol de gerfauts …." vous connaissez la suite.
Pas un seul instant je n'ai eu de
remords, je suis rentré chez moi avec la satisfaction du devoir accompli, il
avait fait du mal à ma fée il méritait donc que je lui casse la tête comme
promis. Il faut toujours tenir ses promesses.
Chaque après-midi je vais acheter
trois baguettes tradition à la boulangerie Lou
Pan d'Aqui vers 16 h, heure peu
commune me direz-vous la majorité des gens prennent leur pain vers midi. Moi je
préfère ce moment où la fournée de l'après-midi me garantit de trouver des
baguettes odorantes sortant tout juste du four.
Ce jour là quand je suis arrivé j'ai dit à Carole et Marie "bonjour les bibiches" comme à mon habitude, il y avait un peu de monde deux dames respectables aux cheveux bleutés permanentés discutaient entre elles en attendant leur tour.
Ce jour là quand je suis arrivé j'ai dit à Carole et Marie "bonjour les bibiches" comme à mon habitude, il y avait un peu de monde deux dames respectables aux cheveux bleutés permanentés discutaient entre elles en attendant leur tour.
- Le pauvre garçon sera vite
remplacé, je le connaissais bien, plus brave que lui cela n'existe pas.
- Oui, maintenant la voici riche et
libre, depuis le temps qu'elle courait avec tous les Don Juan du canton pendant qu'il se tuait au travail
pour payer ses caprices, récemment il lui avait offert une décapotable et je ne
te parle pas des vêtements de luxe, des voyages ou des bijoux…!
J'ai demandé à l'une d'elles en
redoutant la réponse:
- De qui parlez-vous ?
- Ah ces écrivains toujours perdus
dans leurs rêves ! Vous ne savez pas que Monsieur V….. l'homme d'affaires disparu
lundi dernier a été retrouvé mort ce matin
au fond d'un ravin? vous êtes bien le seul de tout le village ! Il a dû
glisser en se promenant. C'était un enfant du pays tout le monde l'aimait
beaucoup et le plaignait, il était malheureux en ménage. Sa femme, une très
jolie métisse qu'il avait sorti de la misère en la ramenant d'Argentine ou du
Pérou je ne sais plus, est une belle garce plus ou moins psychopathe. Libre et
riche, veuve joyeuse maintenant elle va pouvoir vivre la grande vie qu'elle
souhaitait.
Elle a rajouté à voix basse sur le ton de la
confidence :
- Il parait aussi qu'elle avait
essayé de séduire un jeune de la commune pour le manipuler et le pousser à tuer
son mari, bon sujet de roman vous ne croyez pas ? Heureusement il aurait réagi
à temps, enfin c'est ce qui se murmure, moi je ne vous ai rien dit.
Demain j'irai à la tour Sarrazine,
Pocahontas sera sûrement là pour se blottir dans mes bras, je n'ai pas cru un
mot de ce que j'ai entendu à la boulangerie, les gens sont si méchants…
Vous vous en doutiez peut-être, le
lendemain et les jours suivants elle n'était pas là. Vous allez me trouver
suspicieux mais à la réflexion je me demande si les traces noires montrées de
loin par ma princesse sud-américaine étaient vraiment dues à des coups sur son
visage, mais qu'importe.
Louis Bouilhet me pardonnera d'avoir emprunté
et travesti ses vers, ( oui, bon cette fois ce sont vraiment les derniers)
Moi j'ai fui ce chagrin, oublié la
traîtresse
Et par aucun regret mon cœur ne fut
brisé
Ce que j'aimais en elle c'était ma
propre ivresse
Je boirai d'autres vins qui sauront
me griser.
Elle n'a jamais été dans ses jours
les plus rares
Qu'un banal instrument sous mon
archet vainqueur
Et comme un air qui sonne au bois
creux des guitares
J'ai fait chanter mon rêve au vide de
son cœur
--------
On sonne à mon portail, je me réveille en
sursaut, des pulsations folles cognent dans ma poitrine à un rythme proche de
celui occasionné par une belle tachycardie, le portable posé sur le chevet
indique quinze heures. En maudissant l'insolent ou l'impertinente qui ose ainsi
assassiner ma sieste je regarde à travers les persiennes qui filtrent le soleil
écrasant
. Deux hommes en pantalon de toile, chemisette à manches courtes et
serviette en cuir patientent en pleine chaleur. Ils viennent sans doute pour
m'arrêter mais qui m'a dénoncé? je pensais naïvement que personne n'était au
courant de cette histoire hallucinante! A moitié endormi, le cerveau embrumé,
la bouche pâteuse, cherchant fébrilement dans mes contacts le numéro de mon
avocat je dis à ma femme:
- J'y vais !
Je m'approche du portail et respire
l'air parfumé à pleins poumons, certain de vivre mes derniers instants de
liberté. Un des deux hommes me tend une brochure et me dit d'une voix forte :
- Nous annonçons la parole de Dieu
qui dit aux hommes "réveillez-vous"!
Son interpellation me secoue, mes idées
s'éclaircissent, remis en ordre de marche mon esprit redevient lucide, je
réalise enfin.
- Vous tombez bien justement je dormais.
Les deux hommes étaient des témoins
de Jéhovah.
Réfrénant une grande envie de les
embrasser je prends toutes leurs brochures : Réveillez-vous, La Tour de garde, Le nouveau testament pour les nuls,
Jésus Christ chez les naturistes, Aimez-vous les uns dans les autres, au
royaume des dieux aveugles les démons borgnes seront rois etc… en
garantissant de les lire avec ferveur et je leur offre à boire.
Après deux ou
trois verres qu'ils ne purent refuser venant d'un disciple aussi prometteur,
ils prirent congé précipitamment lorsque je prétendis, pourtant innocemment, que
Jésus après sa résurrection était apparu d'abord à des femmes pour que la
nouvelle se répande plus vite.
Après leur avoir fait prêter serment et
jurer-cracher de ne jamais révéler son emplacement, les préados adorent le
genre " cercle des poètes
disparus" ou " club des cinq ",
nous montons et parvenons sur les lieux. Arrivés là je les mets en
garde:
-
Ne vous approchez pas du bord, les rochers sont glissants. Timothée fais
attention ne pousse pas ta sœur tu vas la faire tomber dans le ravin.
Il a tourné sa tête vers moi et j'ai
lu dans ses yeux une grande joie à cette évocation, ou était-ce encore une
interprétation malicieuse de mon esprit ?
Au moment où nous allions partir une
jeune femme est venue s'assoir sur un tronc d'arbre mort couché à une quinzaine
de mètres de nous, ses longs cheveux bruns encadraient un visage bronzé dans
lequel se détachaient de beaux yeux noirs.
Il m'a semblé qu'elle tenait à la
main le tome trois de ma Trilogie d'Eden intitulé Ainsi soit-elle !
La petite Ambre a chuchoté à mon
oreille:
- Papy, tu as vu la dame là-bas ?
elle est trop belle. Elle ressemble à Pocahontas.
Prochaine parution : Histoire cochonne...
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Ces histoires sont extraites du livre :
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Site web : http://serge.boudoux.fr
Prochaine parution : Histoire cochonne...
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