Ce matin de
novembre je me suis levé tôt. Dans I' air déjà doux flottaient une odeur d'herbe coupée et de
terre mouillée, mes poumons n'en pouvaient plus de bonheur et comble de
plaisir, de la cuisine toute proche s'échappait un parfum divin de café fumant.
La journée
promettait d'être belle, à midi je devais déjeuner en bord de mer avec un
copain que j'apprécie pour parler un peu affaires, à 67 ans j'ai créé une
petite société immobilière. J'aime bien manger avec lui, on parle de tout et de
rien, on dit du mal des gens que l'on connait, on regarde les passants en se
moquant un peu de certains et en s'extasiant sur certaines qui défilent en riant,
les cheveux au vent.
Une
tourterelle s'envola pesamment comme à regret. Je me suis secoué il fallait que
je finisse de ramasser mes olives pour les emmener au moulin.
Ma femme m'a
regardé tendrement rentrer, je crois qu'elle m'aime encore après 46 ans de
mariage, pour moi elle est toujours aussi belle que le jour de 1965 où je l'ai
rencontrée.
J'ai
improvisé un petit poème dans ma tête, je fais ça très souvent :
l'odeur d'herbe coupée, du bon café qui fume
La voix de l'être aimé et ses mains sur ma peau
César pour être heureux aurait voulu la lune
mes plaisirs sont plus simples mon quotidien plus beau.
J'ai allumé
la télé pour écouter les infos en buvant mon café, comme tous les matins et le
ciel m'est tombé sur la tête.
129 personnes
venaient d'être privées de leurs petits bonheurs minuscules, des enragés avaient pris leurs vies gratuitement, pour
rien, enfin je ne sais pas pourquoi, comme si ces vies leur appartenaient.
Je
me suis souvenu des vers de Brassens :
Je me demande
pourquoi mon dieu,
ça vous dérange que je vive un peu.
Des forcenés
voudraient m'enlever mes odeurs de terre mouillée et d'herbe coupée, de café
fumant, d'huile d'olive, me priver du regard malicieux de mes petits-enfants
Cerise, Ambre, Timothé, Mahé, Martin, au nom d'Allah, Dieu, Jéhovah, Vichnou, ou
autre nom d'un créateur hypothétique qui n'en demande pas tant . Comme si après
avoir conçu mes enfants je demandai à l'un d'entre eux de tuer les autres !
La forme la
plus aboutie de leur idéologie semble être la création d'un immense camp de
concentration planétaire à ciel ouvert duquel tout plaisir serait banni.
C'est bizarre
mais je me suis demandé comment on pouvait nommer ces fanatiques, il est
important de donner un nom à ce qui nous échappe.
Leur
donner des noms d'animaux serait une insulte pour ces derniers, les affubler de
noms de démons serait leur faire beaucoup d'honneur, le diable a d'abord été un
ange avant de déchoir et ce ne sont pas des fous furieux, les fous sont des
humains malades.
Je crois que comme les Nazis ils veulent nous
déshumaniser, nous ravaler au rang de chose, alors peut-être faut-il les
appeler LE MAL.
Comme tout le
monde j'ai été horrifié par cette manifestation du MAL, Chaque génération
produit son lot de négateurs de l'humanité, je ne sais pas si cela est inhérent
à notre génétique.
Il ne sert à rien de parler AU
MAL, il n'écoute pas, il ne peut pas entendre il n'est pas de la même espèce
que nous. On ne peut pas le capturer, l'enfermer, il se reproduit par
génération spontanée, sa seule raison de vivre c'est mourir en nous entraînant
dans son néant.
. Il y aura
des complotistes qui expliqueront qu'il s'agit d'un complot, il y aura des
négationnistes qui nieront la réalité des assassinats, il y aura des idéologues
qui justifieront le "combat" des meurtriers, jusqu'au jour où tout ce
beau monde se retrouvera du mauvais côté du canon de la kalachnikov.
Alors ce beau
matin du 14 novembre 2015 j'ai pris conscience que notre monde avait changé,
finies l'insouciance et la douceur de vivre.
Les sanglots
longs des violons de l'automne
bercent
mon cœur d'une langueur monotone.
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